lundi 17 juillet 2023

Lectures d'été 2023 - 1 : Florence Bergeaud-Blackler, Le Frérisme et ses réseaux

 

Florence BERGEAUD-BLACKLER, Le Frérisme et ses réseaux, l’enquête, Odile Jacob, Paris 2023, 399 pages.

 


 

 

Anthropologue spécialiste de l’islam, Mme Bergeaud-Blackler est quelqu’un dont on a parlé récemment dans l’actualité. Elle s'est en effet vue interdite de conférence à la Sorbonne pour ses écrits présentés comme islamophobes. Faisons-nous donc une idée avec son ouvrage récent sur ce qu’elle appelle le frérisme, préfacé par Gilles Kepel. Par-delà l’affiliation à la confrérie des Frères musulmans fondée par Hassan el-Banna en Egypte 1928, l’auteur considère qu’il existe une nébuleuse plus ou moins proche d’elle, avec ses organisations affiliées, ses anciens membres qui s’en sont éloignés pour des raisons variées mais qui conservent une démarche apprise dans son cadre, et qui partagent ou mettent en place un même programme d’islamisation des sociétés. Elle le dit, le frérisme est un « système d’action ». On croisera donc dans cet ouvrage, aux notes copieuses, des penseurs (Edgar Morin) comme des politiques (Nicolas Sarkozy), en passant par des rappeurs (Médine, Maître Gims, …) ou des milliardaires (Soros). On aura aussi parfois la sensation de tomber sur des quasi-digressions, du fait de l’objet de l’étude, c’est-à-dire une nébuleuse aux contours flous.

Florence Bergeaud-Blackler décrit ainsi dans des chapitres successifs la confrérie, ses penseurs, son évolution dans un contexte de mondialisation, ses amis ou plutôt ses « idiots utiles », ses structures et sa façon d’embrigader les populations, en commençant par les plus jeunes. On se doit dire que son travail est une vraie source de connaissances et de réflexions. Orpheline du califat disparu en 1924, la confrérie est une création de l’âge des totalitarismes, qui entend placer au-dessus de tout une pratique religieuse, qui va largement au-dessus du cadre national puisque l’umma ne connaît pas de frontière. Elle est ensuite un produit du monde moderne, en ce sens qu’elle répond aux angoisses de musulmans qui vivent et souhaitent rester vivre dans des pays qui par tradition ignoraient l’islam. La réponse en toute chose est dans le Coran selon elle. Au passage, elle balaie les traditions nationales ou populaires, se proposant de rétablir ou d’établir en la purifiant une orthopraxie religieuse très contraignante. Les techniques, détaillées dans les derniers chapitres, sont étonnantes. On apprend ainsi qu’il existe des banques en ligne de fatwas, c’est-à-dire de réponses religieuses à toute une série de problèmes qui peuvent se poser dans le quotidien de musulmans vivant dans les pays occidentaux. Plus drôle mais en fait plus significatif encore est l’accent mis sur l’éducation des enfants. Si on s’attend bien à entendre parler de sites spécialisés pour les enfants musulmans, de dessins animés religieux, on découvre l’existence de nounours religieux pour les tout petits (Salah et Hamza, qui incorporent des récits religieux écoutables quand on  appuie dessus). Les techniques modernes sont mises au service d’une pratique finalement très répétitive et très béhavioriste, dans le but avoué de formater de jeunes esprits. Que peut l’école face à ceci ?

La grande force de ce mouvement, et un Tariq Ramadan n’y a pas peu contribué, c’est d’avoir multiplié un entrisme dans une collection de structures associatives ou politiques et finalement d’avoir investi le champ universitaire. Au nom d’un discours victimaire, elles ont servi de porte-voix à l’affaiblissement d’un discours républicain et universaliste pour finalement demander un traitement différent, et en fait déférent, à l’égard des musulmans. Si le NPA ou LFI y figurent sans surprise, on y trouve également la LDH ou Le Monde diplomatique. Dans le domaine du savoir, les sciences humaines se sont révélées un terreau favorable aux islamistes, du fait de changements de paradigmes et d’un discours de déconstruction et de relativisation des savoirs traditionnels. Il est devenu difficile d’exprimer un point de vue qui ne soit pas islamo-compatible dans le supérieur, ce qui ne peut manquer de jouer à terme sur le fonctionnement de la société, et par exemple des futurs enseignants. Bien des thèmes ont pu être occupés par cette mouvance islamiste, y compris l’écologie, avec cet auteur qui définissait les temps modernes et leurs dégâts sous l’étiquette de « Sécularocène ». Le rôle d’instances internationales et notamment européennes est également pointé. C’est le Conseil de l’Europe qui a lancé en 2021 une campagne intitulée « Bring Joys and accept hijabs ». Cette friabilité s’est appuyée sur deux choses : d’abord la conviction que le mouvement islamiste était au fond un interlocuteur acceptable puisqu’il se présentait comme « l’islam du juste milieu », selon la formule de Qaradawi. C'était une erreur de compréhension : elle désignait en fait la volonté d’avoir une place centrale et dominante dans le paysage musulman de façon à l’englober en entier dans un but totalisant, alors qu’elle a été comprise comme une formule de modération. Le thème de l’islamophobie, mis en avant par un think tank anglais, le Runnymede Trust, en 1997, a servi un discours « victimiste » nous dit l’auteur, c’est-à-dire d’utilisation du statut de victime pour demander une situation privilégiée, alors même que la formule profondément ambigüe ne vise qu’à rétablir le délit de blasphème. Autre avantage intéressant pour les islamistes : les fonds publics ont été détournés de l’étude critique des phénomènes religieux pour être concentrés sur la lutte contre la soi-disant islamophobie.

Le fonctionnement ne consiste pas à agir pour l’intégration des musulmans dans les pays occidentaux, mais bien plutôt à rendre les sociétés européennes charia-compatibles avant leur progressive conversion. Devant cette réalité voulue et planifiée, Florence Bergeaud-Blackler conclue sur la nécessité de reconnaître le problème pour le combattre, et de le faire sans honte ni remords, aux noms de valeurs indubitables. A ce titre, il convient de protéger les paroles  impies et ceux que les Frères appellent les apostats. Il est de coutume de dire dans une recension qu’elle ouvre des pistes de réflexion, mais c’est ici très vrai.

 

Jean-Philippe Coullomb

vendredi 7 juillet 2023

BONNES VACANCES !!!

 L'équipe de l'APHG-LR souhaite à toutes et à tous d'excellentes vacances (bien méritées, disons-le), et un bel été 2023, en attendant de nous retrouver à la rentrée.

Profitez bien de ce temps de repos et de déconnexion !