jeudi 30 janvier 2014

Une recension par Jean-Philippe Coulomb: Robert SOLE, Sadate




Robert SOLE, Sadate, Perrin, Paris 2013, 368 p.
Le journaliste Robert Solé nous narre ici la vie et le destin du président égyptien Anouar al-Sadate, assassiné en plein défilé militaire par un commando islamiste en octobre 1981, au travers d’une succession de courts chapitres classés de façon chronologique. C’est donc un portrait vivant et facile à lire mais où toute thématique est déstructurée, ce qui ne simplifie pas la compréhension d’un personnage au parcours pour le moins chaotique. De cela que ressort-il ? Tout d’abord la vision d’un jeune officier issu d’une famille villageoise simple qui complote contre la domination anglaise et affiche à ce titre son admiration pour Hitler. Peut-être agent double, il participe à la prise du pouvoir par Nasser, essentiellement par ses discours. Dévoué à son chef jusqu’à l’obséquiosité, il prend sa suite d’autant plus facilement qu’il semble bien terne à tous ses concurrents. Conscient des limites de son pays et de sa propre autorité sur les Egyptiens, il prend alors pourtant bien souvent son contrepied avec une obsession : récupérer le Sinaï, occupé par Israël depuis 1967. Cela l’amène à déclencher la guerre du Kippour en octobre 1973 pour mieux engager des négociations de paix qui aboutissent aux accords de Camp David et à la restitution du Sinaï, achevée seulement après sa mort. Ce faisant, il est l’auteur d’un renversement complet d’alliances, basculant du camp de l’URSS à celui des Etats-Unis. A l’intérieur, il fait le choix d’une libéralisation économique, réduisant l’intervention de l’Etat, et d’un renforcement du rôle de l’islam dans la vie du pays, la charia devenant une des sources, puis la source principale des lois. Nombre d’islamistes sont libérés et reçoivent le droit de s’exprimer. Cet homme narcissique et peu travailleur mais charmant fait ainsi le lit du mouvement qui finit par l’emporter. Plus apprécié en Occident que dans son propre pays, il met donc en place, bien plus que Nasser, ce qui constitue le cadre politique de l’Egypte jusqu’à la révolution de 2011.
Jean-Philippe Coullomb

dimanche 12 janvier 2014

Avis de parution: "500 témoins de la Grande Guerre" sous la direction de Rémy Cazals


Un nouvel ouvrage auquel ont participé plusieurs membres de notre association et qui évoque largement les soldats du Midi.





500 témoins
Guerre de la
Grande
Rémy Cazals (dir.)
Éditions midi-pyrénéennes / ED HISTO     
29 €

500 Témoins de la Grande Guerre
Ouvrage collectif dirigé par Rémy Cazals
80 ans après l’oeuvre magistrale de Jean Norton Cru, la question du témoignage de la Grande
Guerre a largement évolué. La publication par François Maspero des Carnets de guerre de Louis
Barthas, tonnelier, dont le tirage va atteindre en 2014 les cent mille exemplaires, a suscité une
véritable floraison. Carnets personnels et correspondances ont été extraits des armoires familiales
et publiés, faisant ainsi apparaître le témoignage d’hommes et de femmes qui n’étaient
pas, pour la plupart, des professionnels de l’écriture. Les auteurs de ce livre ont eux-mêmes
participé à ce phénomène éditorial et leurs analyses, dans le cadre des activités du CRID 14-18,
ont permis de composer un dictionnaire présentant 500 témoins, soldats de toute arme et de
tout grade, du 2 e classe au général, civils et civiles, notamment celles qui ont tenu un journal en
pays envahi.
Chacune et chacun est placé dans son contexte : qui était le témoin ? dans quelles conditions
a-t-il rédigé son témoignage ? quels sont les principaux aspects de son contenu ? Des index
permettent de retrouver les noms de personnes et de lieux, les thèmes traités et les numéros
des unités pour les militaires. Les nombreuses illustrations donnent à voir des portraits, des
groupes familiaux ou de camarades, ainsi que les thèmes favoris des témoins photographes. Car
la photo, aussi, fait partie du témoignage de la Grande Guerre.
Cet ouvrage est dû à cinq auteurs principaux, tous spécialistes de l’histoire de la Grande Guerre et
membres du CRID 14-18 : Rémy Cazals, professeur émérite à l’université de Toulouse ; Alexandre
Lafon et Cédric Marty, docteurs en histoire de cette même université ; Yann Prouillet, historien
vosgien ; Jean-François Jagielski, historien soissonnais. 28 autres spécialistes ont apporté leur
contribution à cet ouvrage collectif.
Les auteurs
Rémy Cazals
Jean-François Jagielski
Alexandre Lafon
Cédric Marty
Yann Prouillet
Avec la participation de
François Bouloc
Jacques Cantier
Christian Chevandier
Benoist Couliou
Nicole Dabernat-Poitevin
Jean Faury
Philippe Foro
Lucile Frayssinet
Raphaël Georges
Jean Guiloineau
Thierry Hardier
Yann Lagadec
Marie Llosa
André Loez
Éric Mahieu
Dorothée Malfoy-Noël
Nicolas Mariot
Michel Mauny
Françoise Moyen
Fabrice Pappola
René Richard
Aurore Riondet
Denis Rolland
Frédéric Rousseau
Philippe Salson
Benoît Sarrazin
Laurent Ségalant
Vincent Suard

mardi 7 janvier 2014

Chronique cinéma d'Albert Montagne

René Prédal, Histoire du cinéma, des origines aux années 2000, abrégé pédagogique


CinémAction n° 142, Ed. Charles Corlet, mars 2012, 270 p.

Ce long intitulé se doit d’être précisé. Cette Histoire du cinéma est mondiale. Etant longue : Des origines à nos jours, elle est abrégée pour être pratique et lisible. Elle est pédagogique, car à destination des étudiants et enseignants en cinéma. René Prédal, spécialiste du cinéma français, avait déjà publié en 1994 une première Histoire du cinéma, Abrégé pédagogique (CinémAction n° 73, Corlet/Télérama, juillet 1994, 200 p.). Cet ouvrage est donc la 2° édition, mise à jour et augmentée de 70 pages. Guy Hennebelle s’exclamait alors, à juste titre : « gageure que de résumer l’histoire du cinéma en 200 pages ! ». On connaît certes, les 2 Que Sais-je : de Lo Duca (1951, 136 p., bien illustré) et Gérard Betton (1984), mais ils sont trop courts et simplifiés ; les multi tomes : Renée Jeanne et Charles Ford, George Sadoul, Jean Mitry, Gaston Haustrate..., mais ils sont peu mondialistes et datent. Pour René Prédal, quelque vingt ans après, son ouvrage, épuisé et réédité, témoigne du succès d’un pari osé. Dans l’avant-propos, aujourd’hui, Monique Martineau observe que le cinéma en France est « devenu florissant et populaire. Il s’installe aussi dans son statut d’objet d’étude : grâce à la collaboration des ministères de l’Education et de la Culture pour Ecole et cinéma, Collège et cinéma, Lycée et cinéma (...). Dans les universités et les écoles d’Art, enseignements et recherches spécialisées se multiplient, de la licence au doctorat. Cette nouvelle parution, enrichie du passé récent, se veut toujours un outil pour tous, enseignants, étudiants, lycéens et amoureux du 7e Art ». Si l’on compare les deux éditions, la nouvelle reprend scrupuleusement la première édition, avec ses 3 parties riches de 30 chapitres : Le cinéma muet (1895-1930, Le cinéma parlant (1930-1960) et Le cinéma moderne depuis 1960. Nonobstant, on trouve une nouvelle partie : 2000, les cinémas du monde (justifiant le nouvel intitulé : Histoire du cinéma, Des origines aux années 2000). On y compte 5 nouveaux chapitres : De nouvelles orientations (le numérique, le documentaire, l’animation...) ; L’offensive des cinémas asiatiques (Japon, Inde, Hong-Kong, Taiwan, Corée du Sud, Indonésie, Singapour, Thaïlande, Philippines) ; L’art et essai européen (Italie, France, RU, Espagne, Allemagne, Russie...) ; L’expression difficile des pays émergents (Amérique latine, Maghreb, Afrique noire, Iran, Palestine, Israel...) ; Le cinéma post-hollywoodien (EU, Australie, Nouvelle Zélande, Canada...). Signalons une très intéressanteOrientations bibliographiques – dans le pur style d’une bibliographie Agrégation et Capes dans la revue Historiens et Géographes - qui fait le point précis sur les ouvrages de cinéma écrits par un seul auteur ou à deux, les dictionnaires, les revues, les collections de livres sur le cinéma et, même, les livres généralistes... Nul doute que cette nouvelle édition - pour ceux qui n’ont pas la première version ou qui veulent être à jour - ne devienne incontournable à tout cinéphile et/ou historien généraliste ou de cinéma.

lundi 6 janvier 2014

Recension: 22 août 1914, le jour le plus meurtrier de l’histoire de France


 En cette année de commémoration, une recension transmise par notre collègue Jean Philippe Coullomb.

Jean-Michel STEG, 22 août 1914, le jour le plus meurtrier de l’histoire de France, Fayard, Paris 2013, 255 p.
Voici un petit ouvrage, écrit dans un style alerte par un disciple de Stéphane Audoin-Rouzeau, qui met utilement l’accent sur l’ampleur des pertes françaises au début de la Première Guerre Mondiale. A partir du cas de la bataille de Rossignol, petit village des Ardennes belges, J.-M. Steg décrit une armée française rigide dans son fonctionnement et inadaptée aux conditions rencontrées. Tant au niveau de la préparation que de l’engagement pratique au combat des troupes françaises, il met ainsi l’accent sur l’écart meurtrier entre les possibilités techniques des armes disponibles et les schémas mentaux d’une armée qui dataient des guerres napoléoniennes. La figure de Joffre sort passablement éreintée de cette lecture, que ce soit par l’amateurisme de son travail d’état-major ou par l’imprécision de ses ordres. Le pire tient cependant dans sa capacité à se défausser sur ses subordonnés et sur les prétendues faiblesses morales de certaines troupes, notamment celles issues du sud de la France. A Rossignol, c’est une division d’élite, formée de soldats de métier aguerris dans les colonies et recrutés souvent en Bretagne, qui est anéantie suite à des erreurs de jugement à tous les niveaux. En comparaison, l’armée allemande se montre plus souple et efficace au combat. L’auteur expose par contre longuement, en reprenant les travaux de John Horne et Alan Kramer, la violence exacerbée dont elle fait preuve face aux civils belges, en soulignant la difficulté à identifier l’origine de tirs à longue portée pour des soldats du début de la guerre. La hantise des francs-tireurs semble alors se matérialiser et aboutit en retour à des exactions sans nom mais codifiées dans la tradition militaire allemande et reprises jusqu’en 1945. Quelques annexes fort utiles, par exemple sur la répartition mensuelle des pertes françaises dans le conflit, complètent ce livre auquel manque cependant une table des archives utilisées.
Jean-Philippe Coullomb