mardi 29 avril 2014

Une note de lecture d'Albert Montagne: Cinéma et guerre froide. L'imaginaire au pouvoir.


Cinéma et guerre froide. L’imaginaire au pouvoir. Lori Maguire et Cyril Buffet (s/d), Christian Delage (préface)






Pour son 150 éme numéro, CinémAction - « qui brave les vents froids qui balaient l’édition papier » selon l’expression de Monique Martineau, directrice de publication - frappe fort avec un titre passionnant. La Guerre froide au cinéma est un sujet d’histoire mondiale qui intéresse tant les cinéphiles que les historiens. L’ouvrage constitue en grande partie les actes du Colloque La Guerre froide et le cinéma tenu à l’Université Paris 8 les 27 et 28 janvier 2012. Comme le soulignent Cyril Buffet (Défunte DEFA, Histoire de l’autre cinéma allemand, 7° Art, Cerf, 2008) et Lori Maguire (Anglo-American Policy towards the Free French, Macmillan, 1996), la Guerre froide, période de tensions entre les E.-U. et l'URSS se provoquant mais évitant tout affrontement direct qui provoquerait une guerre nucléaire apocalyptique  - qui n’a pas vu l'emblématique Docteur Folamour ou comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer la bombe de Stanley Kubrick de 1964 ? - ne se fait pas qu’avec les armes. Elle se fait aussi avec les mots et les images et ses films sont les miroirs réalistes, métaphoriques, tragiques, drolatiques, des pays où ils sont produits et touchent tous les genres cinématographiques : film d’espionnage, film de guerre, film noir, comédie musicale, dessin animé, documentaire, science-fiction, western..., et tous les publics. La présente Guerre froide, qui débute au cinéma avec La question russe de Mikhaïl Romm (1947) Vs Le rideau de fer de William Wellman (1948), est divisée en 6 parties. Dans Regards croisés, l’idéologisation et la censure communistes dominent les cinémas polonais et tchécoslovaque de 1945 à 1968 avec Florent de Prévaux ; Clémence Schmitt rappelle que, malgré le Rideau de fer, l’Union Internationale des Associations Techniques Cinématographiques (Uniatec) a permis des échanges techniques, mais aussi de savoirs, de procédés et de matériels, entre l’Est et l’Ouest ; Jean-Jacques Kourliandsky dévoile la soumission des cinémas d’Amérique latine à Hollywood ; Sébastien Roffat étudie le dessin animé comme instrument de propagande des cinémas tchèques, soviétiques et chinois ; Stève Bessac-Vaure montre comment la revue Les Temps modernes, dirigée par Jean-Paul Sartre, participe de 1952 à 1956 au débat idéologique avec ses critiques cinématographiques des films des deux blocs. Dans Visions des crises, Jun Hui-Jin révèle comment la Guerre froide, période douloureuse et meurtrière en Corée, engendre un cinéma de résistance anti-communiste en Corée du Sud ; André Kaenel met en lumière Berlin, symbole de la Guerre froide en Europe, vu par l’imaginaire hollywoodien à travers le réalisme et le film noir ; Cyril Buffet se penche sur le mur de Berlin vu par les cinémas de deux Etats allemands, mais aussi par ceux des E.-U. et de la G.-B.. Dans Folie atomique, Sophie Dannenmüller étudie les explosions atomiques dans les films de l’artiste Bruce Corner, Clara Darmon les cinéastes soviétiques qui, luttant contre la censure comme Andreï Tarkovski avec le fantastique scientifique, dénoncent la course aux armes nucléaires ; David Tuaillon présente la guerre nucléaire dans le cinéma anglo-américain des années 80 avec Le jour d’après (Meyer), Threads (Jackson) et When The Wind Blows (Murakami). Complémentaire et temporellement antérieur, je me permets d'ajouter De l’ennemi qui venait du froid à celui qui venait d’ailleurs. Les films de science-fiction hollywoodiens, reflets de la Guerre froide, un texte de Yohann Chanoir paru in Historiens et Géographes (n° 402, mai 2008, pp. 65-69). Lori Maguire élève et réactualise le sujet avec Stars Wars, la saga de George Lucas avec l’omnipotente Etoile noire, ayant hautement inspiré la politique de défense spatiale américaine : l'initiative de défense stratégique (IDS) ou de bouclier nucléaire est aussi surnommée Guerre des étoiles (au grand dam du cinéaste). Dans Au miroir de l’autre, Béatrice Heuser s’intéresse aux films britanniques et américains qui critiquent leur propre propagande étatique, Cécile Vaissié au paradigme de l’infiltration dans les films soviétiques, Massimo Olivero à la vision critique de Billy Wilder sur la Guerre froide. Nadège Ragaru surprend avec Stars Wars à la conquête des écrans bulgares et Pauline Gallinari avec Les Américains en Amérique (1950), un film français communiste de la Guerre froide. Dans Secrets d’agents, Venise est la ville de la Guerre froide avec Julien Lingelser et James Bond l’éternel agent secret avec Pierre-François Peirano et Ludovic Trautmann. Une filmographie et une bibliographie ferment classiquement le tout. Il faut souligner la qualité remarquable des photos. En conclusion, la Guerre froide au cinéma fait le tour du monde cinématographique, avec l’URSS, les E.-U., la RFA, la RDA, le R.-U., l’Italie, la Pologne, la Tchécoslovaquie, la France, la Bulgarie, la Chine, mais aussi avec la Corée du Sud, le Chili, la Bolivie, le Mexique, Cuba... Instructive et pédagogique, elle devrait intéresser étudiants et professeurs d’histoire et de cinéma et s'avérer indispensable une fois lue.
Albert Montagne


1 commentaire:

  1. 2 films importants ne sont pas cités: Strategic Air Command, d'Anthony Mann, et surtout le chef d'oeuvre de Kubrick, Docteur Folamour. Lacunes de la revue? Ou zap de la note de lecture?

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