dimanche 8 décembre 2019

En attendant la venue de Pierre PURSEIGLE



Dans le cadre des conférences effectuées avec nos partenaires d'Hérault-Culture, l'APHG-LR attend la venue du Biterrois Pierre Purseigle. Signalons que la date a d'ailleurs été avancée au 22 janvier prochain. C'est l'occasion pour nous de vous présenter une recension de son ouvrage Mobilisation, sacrifice et citoyenneté, Angleterre-France, 1900-1918.




Pierre PURSEIGLE, Mobilisation, sacrifice et citoyenneté, Angleterre-France 1900-1918, Les Belles Lettres, Paris 2013, 450 pages.

 

C'est donc l’occasion pour nous de découvrir la version éditée de sa thèse, consacrée à une comparaison entre les mobilisations de Béziers et de Northampton lors du premier conflit mondial. Publié il a quelques années, l’ouvrage ne cache pas ses origines universitaires. Références d’archives en notes infrapaginales, bibliographie roborative, présentation et utilisation de concepts issus de disciplines différentes sont présentes à l’appel, même si la lecture reste tout à fait abordable. Le but de l’auteur est d’expliquer à quel point les réactions des habitants s’enchâssent dans un tissu d’habitudes tant nationales que régionales, locales, professionnelles ou confessionnelles. Il veut donc montrer à quel point les cultures de guerre, loin d’être seulement imposées par les Etats, sont construites avec les acteurs locaux, aboutissant à une intériorisation et une acceptation de la guerre dans la profondeur des sociétés.

Purseigle souligne d’abord combien la mobilisation des troupes s’effectue sans heurt, que ce soit à Northampton, ville ouvrière où les grèves n’étaient pas rares, ou à Béziers, ville viticole  marquée par le souvenir des événements de 1907. Dans le cas anglais, le pic des engagements volontaires, à l’origine des fameux Pals Battalions, se situe après l’annonce des premiers revers à Mons. Dans les deux cas, la mobilisation des esprits passe, classiquement, par la diabolisation de l’ennemi, renforcée par l’arrivée de réfugiés des régions envahies. Mais elle recourt aussi à l’exaltation des cultures locales. Outre-Manche, on met en avant la qualité des chaussures militaires produites dans la ville, et la notoriété de Mobbs, capitaine de l’équipe de rugby des Saints et engagé volontaire. A Béziers, le vin combat le « Boche » tandis que tout est fait pour honorer le courage des Biterrois malgré l’affaire du XVème Corps.

Si la propagande et la censure ont cours, elles sont plutôt moins monolithiques que l’on pourrait le penser au premier abord, et le lien avec les soldats et la cause à défendre est d’abord maintenu par des gestes du quotidien comme des collectes ou des cérémonies. Souvent effectuées dans un cadre confessionnel ou professionnel, elles font partie de ces éléments qui soulignent le lien très fort entre les combattants et leurs communautés d’origine. Le système régimentaire anglais pousse évidemment dans le même sens, avec la levée de troupes par comté, mais on a des équivalents à Béziers, où le 96ème RI, pourtant en garnison depuis peu de temps, fait figure de régiment local alors même que des Biterrois sont ventilés dans de nombreux autres corps également. Les entreprises, comme le relieur anglais Birdsall and Sons, honorent aussi constamment ceux des leurs qui sont à l’armée.

En bout de chaîne, si des tensions apparaissent dans les sociétés, elles sont maintenues à un niveau réduit par un mélange de contrôle et de négociations entre pouvoirs locaux et nationaux, finalement efficace  et où les syndicalistes ont toute leur place, à l’image de l’Anglais Gribble, homme actif et respecté, qui fait accepter l’effort de guerre en expliquant que les libertés et les progrès sociaux sont du côté de l’Entente, et en encourageant l’évolution du système d’aides vers un fonctionnement parapublic avec des prélèvements obligatoires sur les revenus pour financer la solidarité envers les familles en difficulté des hommes au front.

L’auteur conclut en replaçant son travail en perspective dans le débat franco-français entre soumission et consentement, dont il explique le côté surréaliste vu d’ailleurs. Pour lui, le discours d’un Fabien Loez, qui insiste lourdement sur la dimension strictement répressive du fonctionnement militaire, passe en fait à côté de l’essentiel. La belligérance est un état de fait avec lequel les combattants comme les non combattants ne peuvent pas négocier. Finalement, la victoire est revenue aux pays démocratiques qui ont su mobiliser le mieux leurs forces, et d’abord leurs forces morales.

Jean-Philippe Coullomb


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