samedi 28 mars 2020

Compte-rendu du café-Histoire BD et Histoire









COMPTE-RENDU DU CAFE – HISTOIRE APHG LR « Bande dessinée et Histoire », Gazette Café Montpellier, le 03 mars 2020.


 


Conférencier : Vincent MARIE, professeur d’histoire-géographie au lycée Philippe Lamour, Nîmes.


OBJET : Aborder la bande dessinée comme un médium privilégié pour enseigner la connaissance historique.


Le café – histoire sur la bande dessinée et Histoire a eu lieu au Gazette café de Montpellier, le 03 mars 2020 de 18H à 19H30. Il a été organisé par la régionale de l’APHG Languedoc-Roussillon, et plus particulièrement par deux enseignants d’histoire-géographie, Dalila CHALABI et Stéphane DUPONT. Le conférencier invité est Vincent Marie, professeur agrégé d’histoire-géographie. Spécialiste de l’histoire culturelle et médiatique de la bande dessinée, il a publié des études sur Will Eisner, Jacques Tardi, Calvo, Stassen, Baudoin, Hugo Pratt et Comès. Sa thèse de doctorat portait sur « Les mystères de l’Egypte ancienne dans la bande dessinée : essai d’anthropologie iconographique » (2010). Il dirige la collection Graphein aux éditions Manuscrit et a été aussi le commissaire de nombreuses expositions sur la bande dessinée.  Il est aussi réalisateur de documentaires où il explore les liens d'appartenance entre dessin et histoire : Bulles d'exil (2014) ; Là où poussent les coquelicots (2016), Bartoli le dessin pour mémoire (2019) et Nos ombres d'Algérie (en production sortie prévue 2021).


PLAN :


  1. La bande dessinée comme document historique
     
  2.  La bande dessinée comme discours sur l’histoire


 


 


  1. La bande dessinée, un document historique :


Comment l’historien s’empare-t-il de la bande dessinée ?


  1. La bande dessinée accompagne les évolutions sociales, culturelles mais aussi politiques, économiques et esthétiques.


  • Première piste : La naissance de la bande dessinée américaine s’inscrit dans l’histoire culturelle des médias aux Etats-Unis.


 Cf  Albums, et Bulles d’exil qui interrogent les liens entre BD et immigration. Les premiers dessinateurs dans les quotidiens américains sont des immigrés au début du XXème siècle qui vont constituer la BD américaine comme un genre à part entière.


-L’un des pionniers :  The Yellow kid  de Richard Felton Outcault, New York Journal, Octobre, 1897 met en évidence l’art de l’ellipse et « l’art de l’invisible » c’est-à-dire qu’en tant que lecteur on imagine l’action entre deux images. Ce qui nous intéresse en tant qu’historiens et enseignants (enseignement de spécialité) c’est que ces bandes dessinées au début du siècle sont des commandes des deux grands fondateurs de la presse moderne que sont Joseph Pulitzer et Randolph Hearst. Les quotidiens américains sont très friands de ces images afin de favoriser les ventes. Par exemple, Outcault est publié dans le World et dans le New - York Journal. Ces récits dessinés sont d’abord publiés dans des suppléments dominicaux pour devenir quotidiens à partir de 1907. La BD se développe dans les grands journaux américains, en lien avec les progrès de l’imprimerie. Sociologiquement, The Yellow Kid s’adresse à un public populaire (ouvrier) : les scènes se déroulent dans la rue, l’argument de chaque planche est simple pour distraire le plus grand nombre. Historiquement, la BD américaine s’inscrit dans la société de son temps.


  • Deuxième piste : La BD va être aux prises avec des notions comme le protectionnisme, la censure et l’autocensure. Cf la revue d’histoire Le vingtième siècle, où Pascal Oury, historien de l’histoire culturelle, a écrit un article « Mickey go home ! », la BD devient un objet d’histoire. Il montre comment la France et la Belgique, à la libération, ont résisté au modèle américain avec des héros comme Tintin et Spirou. Durant la seconde Guerre mondiale, la BD américaine connaît un essor très important mais très vite on résiste avec deux journaux, le journal de Tintin et celui de Spirou, deux périodiques en France et en Belgique touchant plutôt des classes populaires. Pascal Ory parle de la loi du 16 juillet 1949 pour faire barrage à la production de la BD américaine où la violence était exacerbée. La BD va avoir des répercussions par rapport à cette loi car vont naître des formes de censure et d’autocensure. Exemple : histoire de Lucky Luke qui met en scène la mort des Dalton, Morris publie une planche sur la mort sanglante de Joe Dalton qui sera censurée.
  • Troisième piste : La BD est témoin de son temps car elle illustre un changement de mentalités, à travers un corpus vaste, l’étude de plusieurs auteurs ou un parcours de certaines œuvres. Exemple du travail de Nicolas Rouvière Astérix ou la parodie des identités. Premier élément de contextualisation : exemple de Tintin au Congo, révélateur de l’influence de l’opinion publique ou des mentalités sur des productions artistiques, et qui montre que certaines productions peuvent évoluer dans le temps. Les premières planches sont publiées en 1930 dans les pages du Petit Vingtième, le Congo est un eldorado pour la Belgique donc il convient d’en faire la publicité. Certaines planches de Tintin au Congo ont évolué entre la version de 1930 et celle de 1946 car le contexte a changé, donc Hergé a subi des pressions qui l’ont contraint à ces changements. Autre exemple pour étudier le militantisme féminin, à travers l’œuvre de Claire Bretécher, qui publie deux séries de femmes héroïnes, Agrippine et Cellulite. On peut réfléchir à l’évolution de la femme dans la société des années 1960 à 1970. Un autre dessinateur peut être interrogé, Reiser, qui accompagne la libération des mœurs, de la presse dans la France du général De Gaulle. Exemple suivant : Chez Astérix en Corse, à travers une histoire qui se passe durant l’Antiquité, on aura des résurgences dans notre société contemporaine.


 


 


 


  1. La bande dessinée en temps de guerre 
     


  • Première piste : La BD comme témoignage de l’histoire. Exemple d’une lettre d’un poilu en 1915, Léon Penet, qui fait usage de la bande dessinée, soucieux de l’éducation de ses enfants. Dans les camps, des déportés usent de la bande dessinée à des fins de témoignage, de transmission d’une mémoire : carnets de dessins de Rosenthal au camp de Gurs en octobre 1940 : il dessine trois carnets de croquis où il décrit tout l’univers concentrationnaire.
  • Deuxième piste : La BD comme outil de propagande. Pendant la première Guerre mondiale, la BD participe à l’effort de guerre, à travers le personnage de Bécassine en 1915 qui devient une marraine de guerre, en écrivant des courriers aux soldats. Exemple d’un document britannique en 1915 qui est une reprise de la tapisserie de Bayeux, et qui raconte une bataille britannique. C’est une forme de récit séquentiel à des fins de propagande. Essor de la bande dessinée américaine : 700 supers héros créés durant la seconde Guerre mondiale, des héros luttant contre l’ennemi nazi et japonais : exemple de Captain America. La bande dessinée participe, en tant que document historique, à l’effort de guerre. Le conférencier développe l'exemple de Will Eisner, grand dessinateur américain, au parcours très intéressant, qui met son talent au service de l’armée américaine. Il conçoit des planches didactiques dans des magazines militaires pour sensibiliser les soldats à l’entretien du matériel. Il met en scène aussi par la bande dessinée les moments vécus au front (Mon dernier jour au Vietnam).
     


  1. La bande dessinée historique ou le reflet d’histoire 
     
     Il s’agit d’incarner l’histoire à travers des grands personnages. Par exemple, le héros de Jacques Martin, Alix, est un personnage de fiction, qui voyage dans l’Antiquité de la Rome de César. Certaines dimensions sont plus didactiques, comme le personnage de Timour qui voyage dans les temps historiques, de la Préhistoire à nos jours.
     


  • Première piste : La bande dessinée comme la « résurrection du passé » (Michelet). Le rapport aux sources est interrogé surtout pour la période antique. Les dessinateurs apportent des éléments qui permettent une concrétisation de l’histoire, comme Jacques Martin qui utilise la couleur pour montrer les temples égyptiens qui ne sont que des ruines à l’heure actuelle, les façades des temples étaient très colorées. L’objectif est de reconstituer le passé. Exemple des récits mythologiques pour reconstituer le passé. Comment faire intervenir des divinités dans une société polythéiste ? Dans la bande dessinée Gilgamesh, récit de l’épopée à travers le récit des tablettes sumériennes. Dans ce cas, les divinités sont représentées par des pièces proches de pièces archéologiques ou de documents historiques.


 


  • Deuxième piste : La fabrique d’un imaginaire historique, des fictions d’archives. Par exemple, dans le cadre de la Première guerre mondiale, de nombreuses bandes dessinées utilisent des sources iconographiques d’époque. Par exemple dans Les diables bleus  de Carin, les soldats représentés sont la traduction d’une photographie de l’époque. Il est important d’explorer le rapport des dessinateurs aux sources historiques, comme le montre l'exemple de Jacques Tardi dans Putain de guerre. Le conférencier montre ainsi comment un des personnages de la BD est directement copié d'un film de 1915. Soldat au visage souriant à la Bourvil, il était l'incarnation du mouton conduit à l'abattoir pour Tardi. V. Marie explique avoir retrouvé son identité et son parcours à partir du film. Il était filmé car il venait d'être décoré pour avoir tué en combat rapproché une escouade d'Allemands. Formalisation d’une culture visuelle, les sources permettent de créer un imaginaire dessiné de la Grande guerre. La bande dessinée met des images sur les mots, et il devient possible pour un auteur de dessiner les récits de son grand-père. Lorsque les archives sont absentes, le dessinateur se projette dans l’élément à représenter, Tardi se prenait souvent en photo lui-même (autoportraits).


 


II- La bande dessinée comme discours sur l’histoire :


  1. La bande dessinée didactique : de l’histoire de France en BD à l’histoire dessinée de la France


Comment la bande dessinée peut-elle participer à la construction d’un raisonnement historique ? Comment la bande dessinée peut-elle mettre en scène l’histoire ?


  • L’Histoire de France en bande dessinée reste proche du roman national : c'est un récit évènementiel. Elle fut une entreprise pionnière dans les années 1976-1978, aux éditions Larousse, avec une volonté de présenter une histoire de France à travers la bande dessinée, en faisant appel aux grands dessinateurs de l’époque comme Raymond Poïvet.


Comment aujourd’hui réinvestit-on l’histoire de France dans « l’histoire dessinée de la France » ?


  • La collection de L’histoire dessinée de la France propose une relecture du récit national en associant dessinateurs et historiens dans la construction de la bande dessinée. De même, La balade nationale de Sylvain Venayre et d’Etienne Davodeau, dans laquelle il s’agit de déconstruire les mythes fondateurs et écrire une histoire critique de la France.


B- L’enquête sur le terrain


 


Dimension de l’enquête dans la bande dessinée, notamment dans le roman graphique. Les dessinateurs vont aller sur le terrain de l’histoire. Développement du roman graphique à partir des années 1980 et surtout dans les années 2000. L’objectif est de mener une enquête à la recherche d’une vérité ou d’un fait social oublié.


  • Exemple : Ulysse de Jean Harambat qui raconte le récit d’Homère en interrogeant des penseurs comme Jean Pierre Vernant sur la signification de ce récit homérique. L’œuvre d’Homère est éclairée à travers la réflexion de Harambat.
  • Exemple : travail de Joe Sacco Gaza 1956 qui fait figure de contre-histoire, il s’intéresse aux marges de l’histoire. Il s’agit d’interroger par des reportages sur le terrain, interroger les anonymes qui ont une place restreinte dans la grande histoire. Il interroge la Palestine, les femmes Tchétchènes, les crimes de guerre dans sa BD Reportages. Il intègre de nombreux documents à son récit comme une carte, des témoignages. Il montre ainsi la complexité des évènements inscrits dans le temps présent.
  • Exemple du travail de Sylvain Savoia Les esclaves oubliés de Tromelin, c’est l’histoire d’un naufrage. Il utilise le récit fictionnel de l’un des esclaves et le journal de bord d’une expédition d’archéologues. Comment à partir de sources archéologiques on va ressusciter l’histoire dans la bande dessinée et par la bande dessinée ?


  1. Le récit mémoriel ou l’écriture des souvenirs en bande dessinée


  • Première piste : Une des formes d’écriture de l’histoire par la bande dessinée c’est l’écriture visuelle des souvenirs, évoquée dans la thèse d’Isabelle Delorme qui parle de « récit mémoriel » : pour elle, c’est l’expression d’une mémoire individuelle, intime et chargée d’émotions qui est représentative d’une mémoire collective. Il s’agit de fictions de méthode.


  • Exemple : Maus de Art Spiegelman qui interroge son père, rescapé de la shoah.
  • Exemple : La résistance du sanglier de Stéphane Levallois qui interroge la façon dont son grand-père s’est engagé dans la résistance. Comment représenter des évènements douloureux à travers la bande dessinée ? Il crée un récit parallèle pour montrer la torture.


  • Deuxième piste : Les écritures de soi, les récits de vie. Le récit mémoriel permet d’étudier une société dans un espace donné à une échelle très réduite d’une famille ou d’une communauté. Deux exemples qui s’inscrivent dans la guerre d’Algérie : chaque auteur saisit une mémoire de la guerre d’Algérie, une mémoire intime.


  1. Daniel Blancou dans Retour à St Laurent des arabes raconte la vie dans un camp de harkis et comment ses parents, instituteurs, ont vécu les évènements.
  2. Joel Alessandra dans Petit-fils d’Algérie raconte l’histoire de sa famille à Constantine, famille de Pieds-noirs. Il se met lui-même en scène en tant que dessinateur sur place.


 


Conclusion :


De nouvelles formes de recherche dans la bande dessinée émergent. Il s’agit de s’interroger sur la façon dont se construit un imaginaire historique. La bande dessinée a la capacité de superposer les points de vue et de fabriquer de l’imaginaire, une façon de s’initier à la connaissance historique et à sa complexité.


 


 


 
Dalila CHALABI, référente APHG-LR

samedi 21 mars 2020

Compte-rendu du café-Histoire sur le manuel et ses usages en Histoire-Géographie




Lien vers la vidéo de la soirée, avec quelques soucis techniques (dont nous nous excusons platement) :






COMPTE-RENDU DU CAFE – HISTOIRE APHG LR « Le manuel scolaire en histoire-géographie », Gazette Café Montpellier, le 29 février 2020.


 


Conférenciers : Sébastien Cote, Philippe Guizard, Pierre Boutan, Vivien Chabanne.


OBJET :


  • Rendre compte de l’expérience de rédaction d’un manuel scolaire en histoire et en géographie et en saisir les contraintes officielles et pratiques.
  • Présenter les usages pédagogiques du manuel scolaire : apprentissages, contraintes, limites.


 


Le café – histoire sur le manuel scolaire a eu lieu au Gazette café de Montpellier, le 29 février 2020 de 18H à 19H30. Il a été organisé par la régionale de l’APHG Languedoc-Roussillon, et plus particulièrement par deux enseignants d’histoire-géographie, Dalila CHALABI et Stéphane DUPONT. Le premier conférencier invité est Sébastien Cote, professeur agrégé en classe préparatoire au lycée Joffre à Montpellier et directeur de collection de manuels scolaires aux éditions Nathan. Philippe Guizard, IA-IPR d’histoire-géographie, ainsi que Vivien Chabanne, professeur d’histoire-géographie et auteur de manuels scolaires aux éditions Nathan se sont également exprimés sur le sujet. Le dernier conférencier, Pierre Boutan, maître de conférences en sciences du langage à la faculté d’Education de l’université de Montpellier et président de l’association des Amis de la mémoire pédagogique, nous a fait l’honneur de présenter son expertise quant à l’histoire des manuels scolaires.


PLAN :


  1. Le manuel scolaire, un objet construit
     
  2. Usages en classe et paradoxes multiples


 


 


  1. Le manuel scolaire, un objet construit


Sébastien Cote :


En tant que directeur de collection de manuels scolaires (Edition Nathan).


  • Des attentes très fortes de la société :
    En effet, il souligne la fréquence des polémiques sur le manuel scolaire, accusé d’être le reflet d’un roman national, d’être axé sur la repentance, et au service de groupes de pression, de lobbies. D’autres polémiques sur l’écriture inclusive, par exemple, ont vu le jour.
     
  • Des attentes fortes de l’Education nationale :
    En effet, notre institution peut avoir un discours hostile envers l’usage des manuels scolaires, non indispensables pour la construction des cours. Mais lors d’un changement de programme d’enseignement, celle-ci se tourne vers les éditeurs pour concevoir dans des délais très réduits des manuels scolaires.
     
  • Des attentes de la société :
    Sébastien Cote précise la montée des groupes de pression de mémoire, liés à des Etats, des ambassades, des associations.
     
  • Une confusion très fréquente entre manuels scolaires et programmes scolaires :
     Le manuel scolaire est un outil pédagogique au service des enseignants pour la mise en œuvre d’un programme scolaire que le concepteur de manuel n’écrit pas. La première règle est de respecter le programme qui émane du Ministère de l’Education nationale.
  • Une confusion entre le manuel scolaire et le cours de l’enseignant :
     L’enseignant « picore » dans le manuel scolaire, il exploite certains documents, une problématique proposée. Donc, il est important de ne pas confondre le cours de l’enseignant et le contenu du manuel scolaire.
     
  • L’écriture d’un manuel scolaire :
     


  1. Un manuel est une entreprise collective, qui s’appuie sur un programme officiel directif qui impose, par exemple pour le lycée, les thèmes, les objectifs de chaque thème, des points de passage et d’ouverture obligatoires, ce qui représente une très forte contrainte. Le manuel scolaire met l’accent sur les renouvellements historiographiques car l’Histoire scolaire ne doit pas être déconnectée de l’Histoire universitaire. C’est un enjeu fondamental de connaissances. Une véritable équipe avec un directeur de collection, des auteurs choisis sur des critères d’excellence académique, d’excellence pédagogique, d’investissement dans la formation, à tous les niveaux, du collège à l’université. C’est aussi une équipe éditoriale coordonnée par l’éditeur, qui a pour mission de « fabriquer le livre », imposant par exemple aux auteurs un nombre de signes maximal. Les maquettistes ont pour mission de « mettre en musique » l’ouvrage sous forme d’une maquette car le livre doit être attrayant, l’iconographie doit être visible. L’équipe numérique propose une déclinaison numérique du manuel scolaire avec des ressources vidéo, audio, des podcasts, en veillant au lien avec la version papier. Le rôle de l’iconographe est de rechercher les images, en veillant au respect des droits d’auteur, une image qui doit être en haute définition. Donc, l’iconographe est en relation avec les bibliothèques, des musées, des archivistes, des banques d’images. La cartographie dans un manuel scolaire est fondamentale, et est gérée par des professionnels. Le manuel est conçu entre le mois de février et de mars pour être proposé aux professeurs au mois de mai.


 


  1. La question de l’historiographie. Le manuel scolaire n’est pas le lieu du débat historiographique, de la controverse historiographique. Le manuel scolaire s’adresse aux élèves même s’il est choisi par les enseignants. Donc, pour accéder à la controverse historiographique, l’élève doit être réellement outillé. Mais le manuel est le lieu qui permet d’instiller un renouvellement de la science historique. Par exemple, l’histoire des femmes était absente des manuels scolaires jusqu’aux années 1980. Lorsque Georges Duby ou Michelle Perrot ont développé l’histoire des femmes, progressivement les manuels scolaires ont intégré cette histoire. L’histoire de la colonisation vue par les colonisés est assez récente, et trouve sa place actuellement dans les manuels scolaires. Plus récemment, l’histoire environnementale, qui n’existait pas dans les années 1970-1980, est dynamique dans les manuels scolaires comme l’étude de la mondialisation des épidémies suite à la conquête de l’Amérique par les Espagnols et par les Portugais.
  2. L’objectif principal d’un manuel scolaire est de faire saisir à un élève la démarche historique, c’est-à-dire travailler à partir d’une source, la confronter à d’autres sources pour construire un discours. L’histoire est une démarche d’investigation à travers différents types d’exercices. Par exemple, aux éditions Nathan, les pages « Passé, Présent » sont dédiées à la compréhension des enjeux de l’Histoire, le dialogue entre le passé et le présent est primordial. Il s’agit, à partir d’un problème présent, de comprendre sa construction en étudiant le passé, de faire comprendre des mécanismes. C'est cela à quoi sert l’Histoire.


Vivien Chabanne :


  • Retour d’expérience sur le rôle d’auteur de manuels scolaires sur les nouveaux programmes de Première. Être auteur, c’est faire de nombreux compromis, autour de quatre éléments majeurs : le respect des programmes officiels, la transmission des derniers acquis de la recherche, la dimension pédagogique et didactique, les contraintes éditoriales.
  • Les principales étapes d’élaboration d’un chapitre :


  1. Un travail d’équipe
  2. Un temps de travail individuel
  3. De nombreux regards croisés


  1. Décider de la maquette et des approches didactiques et pédagogiques. Organisation des chapitres de manière collégiale. Deux acteurs essentiels : le directeur de collection et les éditeurs.
  2. Sujet à traiter individuellement, un sujet dont l’auteur n’est pas forcément spécialiste. De nombreuses recherches sont nécessaires dans les archives, dans les musées. L’objectif est de trouver de beaux documents, notamment le musée d’art et d’histoire de St Denis qui propose de nombreuses archives sur les questions au programme comme la IIIème République, et des liens vers les archives de la BNF disponibles en ligne. La principale difficulté est de rendre tangible aux élèves une situation historique complexe en utilisant le vocabulaire approprié. Les enjeux sont historiques mais aussi citoyens selon les sujets abordés comme la guerre d’Algérie.
  3. Discussions et relectures multiples par l’ensemble des acteurs, notamment le directeur de collection, les éditeurs et l’iconographe. Être auteur de manuels scolaires c’est « l’art de faire des compromis », c’est aussi de réfléchir à des contenus numériques. Un manuel scolaire sert à « faire de l’histoire ». Dans les éditions Nathan, des pages sont consacrées à « De la source à l’histoire » et « D’hier à aujourd’hui », qui donnent sens, dans la manière dont on construit l’histoire, au récit historique, comment une question historique du passé peut faire écho dans le présent. On le voit par exemple avec le thème de la IIIème République, sur la question de la place des femmes en politique. Les critiques par l’opinion publique sont faites sur les sujets traités et non sur la manière dont ceux-ci sont traités. La densité des programmes actuels est une contrainte pour les auteurs car leur liberté de traiter un sujet s’en trouve limitée, et également pour les enseignants, qui faute de temps, ne pourront pas se les approprier. Le plus important est d’entraîner les élèves à une démarche, une méthode.
     


  1. Usages en classe et paradoxes multiples


 


Philippe Guizard :


 


  • Du point de vue pédagogique :
     La façon dont le manuel scolaire est utilisé dans les classes pose un certain nombre de problèmes et de difficultés. Mais globalement, en France, les manuels scolaires sont de très bonne qualité, de beaux outils, de beaux objets faits avec rigueur, très agréables à regarder et à lire. Les manuels scolaires sont des objets pédagogiques mais aussi des objets commerciaux dont l’objectif est de dégager du profit. En France, depuis Jules Ferry, il n’y a pas de contrôle officiel sur les manuels scolaires, ceux-ci sont écrits librement et à charge aux professeurs de choisir le manuel scolaire en fonction de sa qualité.
     
  • De nombreuses difficultés constatées :
     


  1. Pour de nombreux enseignants, le manuel « c’est le programme », or ce n’est pas le programme. Avant de commencer la construction d’un cours, les enseignants croisent plusieurs manuels, donc le manuel a tendance à jouer le rôle du programme, ce qui représente une réelle difficulté.
  2. Le manuel a une fonction, en termes de pédagogie, assez normative. Les professeurs ont tendance à s’en inspirer beaucoup, plus qu’une véritable lecture des programmes officiels. Par exemple, depuis les années 1980 – 1990, dans les manuels scolaires, est apparue l’idée qu’il fallait que les enseignants d’histoire-géographie utilisent beaucoup les documents. A l’heure actuelle, le document, dans les manuels scolaires, est proposé accompagné de questions, qui invitent généralement à un prélèvement d’informations. Or, cela ne doit pas être l’unique activité à demander aux élèves, car c’est une activité de basse intensité intellectuelle. Ce qui est intéressant c’est de confronter des documents, de dégager des arguments, de construire des réponses organisées. Pour les manuels scolaires, il est très difficile de sortir de cette logique, ils continuent de proposer de nombreux documents avec des questions.
     
     
  3. Le manuel scolaire a une vision maximaliste du programme. Tout le programme est abordé de façon assez large. Or, ce qui est demandé par l’inspection, découlant des programmes, est de choisir dans le programme les éléments permettant de construire un projet. Par exemple, les nouveaux programmes de lycée proposent pour chaque chapitre des points de passage et d’ouverture obligatoires mais chaque enseignant les traite différemment, parfois en introduction, en conclusion, ou en guise d’illustration tout au long du chapitre. Pour la classe de Première, un chapitre porte sur les grandes phases de la Première Guerre mondiale, 4 points de passage et d’ouverture sont proposés. Dans les manuels scolaires, il est hors de question de faire l’impasse sur l’un de ces points. Or, l’inspection pédagogique invite l’enseignant, à partir de son projet pédagogique, à faire des choix quant à la durée proposée à l’étude de chaque point de passage et d’ouverture. L’enseignant est donc mis en tension entre la lecture globale proposée par le manuel et la course contre le temps.
  4. La question de l’innovation pédagogique. Les manuels scolaires restent trop conformes aux pratiques usuelles en classe, et ne proposent que très peu d’innovation pédagogique.
  5. Un usage très réduit des manuels scolaires dans les pratiques de classe. Ceci est la résultante d’un choix précipité du manuel scolaire par l’équipe disciplinaire. C’est l’attrait esthétique du manuel qui l’emporte dans le choix du manuel et non l’intérêt historique des documents. L’usage qui est fait du manuel est la copie de certaines pages.


 


  1. Pour que le manuel soit un outil réellement exploité par les enseignants, il faudrait que d’un point de vue culturel, le manuel scolaire cesse d’être un prescripteur pour les enseignants mais soit pensé comme un outil au service du professeur. « Le professeur est un concepteur et non un exécutant ». Il faudrait faire travailler les élèves sur le manuel scolaire, en utilisant le glossaire, en leur demandant de faire des recherches à partir des cartes proposées dans le manuel. L’enseignant doit apprendre aux élèves à exploiter le manuel scolaire.
     
    Pierre Boutan :
    Il évoque l’histoire des manuels scolaires en insistant sur le fait qu’il est nécessaire de prendre un recul dans l’histoire, voir comment fonctionnaient les manuels scolaires qui évoluent aujourd’hui en raison de l’entrée du numérique. Les manuels officiels en France n’existent plus. Le manuel permet d’évoquer le savoir savant, le rapport avec le savoir scolaire et le savoir enseigné. Une tentative de rédiger un manuel commun à l’espace méditerranéen a permis d’en réaliser un mais à destination des enseignants.


 


 


Conclusion :


Le manuel scolaire est un outil pédagogique complexe, source de nombreuses polémiques autour de son intérêt et de sa plus-value auprès des élèves. Il est un objet construit, réfléchi grâce au travail intensif d’une équipe éditoriale qui s’attache à respecter les programmes officiels d’enseignement. Un usage plus pertinent du manuel scolaire en tant qu’objet pour une analyse croisée des documents, un recul par rapport à une situation historique ou géographique, permettrait aux élèves de l’exploiter réellement et d’être davantage acteurs de leurs apprentissages.


 


 


Dalila CHALABI, référente APHG - LR

lundi 16 mars 2020

Année maudite…



L'APHG-LR se voit contrainte, comme tout un chacun, d'annuler des activités programmées, notamment à Scène de Bayssan où  Yohan Chanoir était attendu pour une conférence le 24 mars, à Béziers, jusqu'à nouvel ordre. Après l'éboulement de la voie ferrée et les mouvements sociaux, voici venu le temps d'un virus. L'année 2019-2020 aura accumulé les problèmes. L'APHG-LR vous tiendra informé des actions à venir, lorsqu'elles seront réalisables.

lundi 2 mars 2020

Une conférence à ne pas rater



Le CHRD de Castelnau-le-Lez a organisé à Montpellier la venue de Mme Ginette KOLINKA, rescapée d'Auschwitz, qui s'adressera au public dans une conférence le 17 mars prochain, salle Pétrarque.