lundi 29 mars 2021

Deux semaines de juin

 L'APHG-LR co-organise le 7 avril prochain avec S. Capo-Montazeaud la projection d'un film sur les combats de l'armée des Alpes en juin 1940. Tous les renseignements sont sur le document ci-dessous.



samedi 27 mars 2021

Des cafés-visio à venir

 L'APHG-LR s'associe à d'autres régionales pour proposer des cafés virtuels avec des invités connus au mois de juin.

Le programme s'établit comme suit :

_le 1er juin, avec Catherine Withol de Wenden pour son Atlas des migrations, en partenariat avec la régionale du Nord ;

_le 8 juin avec Raphaëlle Branche pour son dernier ouvrage, "Papa, qu'as-tu fait en Algérie ?", Enquête sur un silence familial, en partenariat avec la régionale de Nice ;

_le 16 juin avec Christian Ingrao à propos de son dernier travail, Le Soleil noir du paroxysme, en partenariat avec la régionale de Nice.

Des renseignements supplémentaires viendront ultérieurement pour les connexions.

mardi 16 mars 2021

Faute de conférence, on peut toujours lire...

 L'APHG-LR avait prévu d'inviter à Scène de Bayssan Philippe Secondy pour évoquer son livre. Elle espère bien pouvoir le faire un jour, cependant ! En attendant, voici une recension de son ouvrage.


Philippe SECONDY, Fabrication d’un collabo, le cas de Joseph Laporte (1892-1944), CNRS Editions, Paris 2019, 275 pages.

 

Travailler dans un service d’archives permet parfois de découvrir un document inconnu des historiens mais dont le contenu s’avère fructueux. C’est le cas ici. Philippe Secondy a mis au jour fortuitement aux Archives Départementales de l’Hérault un carton regroupant des documents trouvés par des gendarmes en 1946 chez un certain Joseph Laporte, fusillé à la Libération pour collaboration. Il a alors enquêté sur cet homme et sur son étrange parcours, et nous livre ici le fruit de son travail.

 

Que retenir de cet homme ? Orphelin placé dans un village aveyronnais, il est envoyé effectuer son service militaire en 1913 à Nice, dans un régiment d’infanterie. Il connaît donc ses premiers combats dès le mois d’août 1914, et ses qualités jointes aux ravages causés par les balles allemandes lui permettent de gravir rapidement les premiers échelons de la hiérarchie militaire. Caporal en septembre 14, sergent en octobre, il devient sous-lieutenant en mars 1915 avant d’être fait prisonnier en juillet de la même année. Dans l’atmosphère troublée que connaît l’Allemagne fin 1918, il s’évade et rejoint la France via les Balkans. Il se marie juste avant de se rengager dans les troupes coloniales, et part en AEF avec le grade de lieutenant. En pleine affaire du chemin de fer du Congo-Océan, dans un moment où l’exploitation d’un territoire pauvre et éloigné se fait dans des conditions dantesques, décrite par Gide, ce grand amateur de chasse connaît son heure de gloire personnelle en étant nommé à la tête d’une subdivision isolée à la fin de 1927. Il la garde plusieurs années durant, et s’active lors de la guerre du Kongo-Wara contre des groupes rebelles à l’ordre colonial. Sachant improviser, ce qui est indispensable vu son isolement, brutal et énergique, il est sans doute efficace, mais à partir de 1930 ses supérieurs lui reprochent son refus de se plier à une discipline classique ainsi que sa mauvaise foi tandis qu’il est empêtré dans une affaire de dettes. Il quitte donc l’armée en 1933 pour s’installer avec sa famille en Aveyron comme agriculteur puis comme agent d’assurance. Dans cette terre réputée conservatrice, il s’encarte à l’Action Française puis au PPF de Doriot à partir de 1936. Trop âgé pour être rappelé en 1939, il est proposé pour diriger localement en 1941 la Légion française des Combattants créée par Vichy, avant de se porter volontaire pour la LVF. Figurant sans doute parmi les rares bons combattants d’une troupe réputée médiocre, constamment soutenu par les courriers de sa fille, également membre du PPF, il se bat devant Moscou et est promu capitaine avant d’être écarté de son poste et renvoyé en France en mai 1942 du fait de son âge et de sa santé. De retour en Aveyron, il ne se fait pas aux postes sédentaires qu’il occupe, et multiplie les accrochages avec ses supérieurs, d’autant que le milieu collaborationniste qu’il fréquente est à la fois peu nombreux, pauvre en talents et riche en rancœurs diverses et variées. Il quitte ainsi la Milice après avoir contribué à son organisation dans l’Aveyron. Il inspecte alors des ouvrages pour le compte de l’Organisation Todt tout en cherchant, sans succès, à intégrer la Waffen-SS. Les résistants proches de son village de Plaisance le connaissent et le menacent car ils savent l’homme actif et dangereux. Il se met à traquer les maquisards avec la Feldgendarmerie, et participe à ce titre aux actions les plus atroces que l’on puisse imaginer au printemps 1944, d’autant que les résistants ont enlevé sa fille et l’échangent avec des prisonniers allemands contre des maquisards capturés. Sa haine ne connaît plus de borne. Après avoir laissé le Tarn à feu et à sang, il essaie de s’engager chez les FFI pour se refaire une virginité, mais il est reconnu, jugé, condamné à mort et exécuté.

 

Ce parcours achevé, il faut bien s’interroger sur ce qu’il nous apprend. Quel facteur faut-il incriminer pour expliquer une dérive pareille ? La brutalisation due à la guerre de 14 ? Le racisme, enseigné in vivo par un combat colonial ? Les idées de l’extrême-droite des années 1930, qui voyait en Hitler une solution ? Une soif inextinguible de violence et de reconnaissance, de reconnaissance par la violence, qui l’a au fond révélé à lui-même ? Sans doute un cocktail de tout ceci. Philippe Secondy évoque ces possibilités sans pouvoir trancher, faute de preuve décisive. Là est sans doute la principale limite de cette étude de cas, qui présente une vie plus qu’elle n’en hiérarchise les facteurs explicatifs. La rareté même de ce type de cas montre à quel point il est difficile de généraliser l’usage de ces explications traditionnelles. Les choix des individus leur appartiennent, et restent bien souvent une boîte noire difficile à percer pour l’historien le mieux outillé.

 

Jean-Philippe Coullomb