mercredi 24 juin 2015

La chronique cinéma d'Albert Montagne: Institut Jean Vigo (dir.), Le cinéma s’affiche en grand,




Institut Jean Vigo (dir.), Le cinéma s’affiche en grand,
Arnaud Bizalion éditeur, juin 2015, 96 p. 17 €.

Le cinéma s’affiche en grand dirigé par l’Institut Jean Vigo, avec le soutien du CNC et du département des Pyrénées-Orientales, est le catalogue de l’exposition éponyme qui se tient du 19 juin au 30 août 2015 au Palais des rois de Majorque de Perpignan. La beauté des affiches et le 7e Art méritaient bien l’écrin le plus historique qui fût. Vu l’intitulé, on peut toutefois s’étonner de la petitesse de cet ouvrage - 21 x 15 cm - qui aurait grandement gagné en majesté. Nonobstant, les photos, en couleurs, sont somptueuses ; les pages, en papier glacé, sont agréables tant toucher qu’à la vue ; les affiches sont non seulement de premier choix mais aussi de formats différents et, qui plus est, souvent rares. Comme le souligne Michel Cadé, président de l’Institut Jean Vigo, l’IJV est riche de quelque 57.000 affiches, dont 52.000 cataloguées et inventoriées. A la quantité s’ajoute la qualité comme près de 200 affiches datent du muet et sont rares, comme celle de Jules Chéret avec Les pantomimes Reynaud de 1892. La présente exposition propose ainsi Les trois lumières de Fritz Lang de 1920, qui est l’unique exemplaire connu en Europe. Le testament du docteur Mabuse de 1933 est aussi rare avec un Fritz Lang transformé en Friti Lang. Eloignés du classique standard 160 x 120 cm, s’ajoutent des formats inhabituels et sujets à destruction : 240 x 320 cm, 160 x 240 cm, voire 200 x 200 cm. Ce fut Marcel Oms, fondateur de l’IJV et collectionneur passionné de tout, qui, dans les Années 60, fut à l’affût des bonnes occasions et fréquenta les anciens tourneurs, directeurs de salles, brocanteurs, collectionneurs. Les affiches ne sont alors que des objets sans grande valeur et s’achètent par lots. Mais acquérir n’est pas tout pour une cinémathèque, il faut aussi conserver et entoiler : Laurent Balester et Jacques Verdier, archivistes de l’IJV et commissaires de l’exposition, précisent que toutes les affiches présentées ont fait l’objet d’une restauration rigoureuse, et Régis Fromaget, restaurateur du patrimoine, Spécialité Arts graphiques et livre, à la Cinémathèque française, offre un passionnant témoignage sur la restauration des affiches. Il faut, surtout, exposer et faire savoir, d’où la double importance de cette exposition - de dimension nationale, attestée par la préface de Frédérique Bredin, Présidente du CNC - et de ce livre. Jacques Ayroles, responsable du Département des affiches de la Cinémathèque française, commente certaines affiches de l’exposition. Pour Marc-Antoine et Cléopâtre, film italien de 1913, « comme pour beaucoup d’affiches du cinéma muet, seul le titre du film est présent, aucune mention du réalisateur (Enrico Guazzoni) n’apparaît, les acteurs principaux sont dessinés mais ne sont pas nommés ». Pour Fantômas de Jean Sacha de 1946, « les deux affiches exposées sont rares, le grand format n’est pas fréquent et le petit format est une vraie réussite. Avec peu de couleurs, l ‘atelier crée l’inquiétude, opposition des rouges et du noir, le titre Fantômas se détache franchement, il se répercute dans le ciel rouge. Il faut l’approcher pour lire le reste de l’affiche : nous découvrons une ville fantomatique livrée à la merci d’un justicier ou d’un tyran masqué ». Les 38 affiches sont réparties en 7 chapitres à l’image de l’exposition en 7 salles : Les grandes fresques des années 20, Affiches des premiers temps, Les génies du crime, La comédie populaire, Amour et mélodrame, Drames historiques, Polar et documentaire. Résistant à la tentation, je ne citerai pas toutes les affiches, il faut les découvrir soi-même pour les apprécier pleinement de visu. Tout comme il faut voir l’exposition, il faut lire et relire le catalogue qui pérennise, plus que jamais, ces affiches de cinéma. Les notices du livre donnent de précieuses indications aidant à la compréhension de l’affiche. Personnellement, je mentionnerai trois censures méconnues, et surtout bêtes, de films affichés : J’ai 17 ans d’André Berthomieu de 1945, retraçant les amours d’un jeune lycéen, est interdit par le préfet des Hautes-Pyrénées aux mineurs de 16 ans ! Les dégourdis de la 11ede Christian Jaque et Ignace de Pierre Colombier, tous deux de 1937 avec Fernandel, sont interdits pour ridiculiser l'armée. Ceci dit, signalons, en index finaux, les pages originales avec noms et signatures des affichistes et celles des mini reproductions des affiches avec noms et pages. Un précieux petit ouvrage d’art, surabondamment illustré, à découvrir.
Albert Montagne


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