lundi 9 novembre 2015

Une recension de Jean-philippe Coullomb en rapport avec l'EMC : Eloge du blasphème de Caroline Fourest


Caroline FOUREST, Eloge du blasphème, Grasset, Paris 2015, 186 pages.


On connaît l’auteure, son joli minois qui fréquente assidument les plateaux de télévision, sa force de conviction qui confine parfois à l’imprécation religieuse, et on a entendu parler de ses approximations occasionnelles dans ses propos comme dans ses écrits. On retrouve dans ce livre écrit après les attentats de janvier dernier l’ancienne journaliste de Charlie Hebdo, avec sa pugnacité coutumière. Si elle ne résiste pas à la tentation de régler des comptes, par exemple avec Pascal Boniface (mais il est vrai que lui-même ne la ménage pas), elle a le mérite de porter le fer là où il le faut en montrant toutes les hypocrisies, depuis celles d’un clan Le Pen jusqu’à celles de beaucoup d’associations ou de groupes qui prétendent défendre les minorités mais qui ne font que basculer dans le communautarisme et finissent par justifier l’injustifiable. Des associations de défense des homosexuels, des mouvements antiracistes, des membres de formations historiquement athées comme le PCF (dont Charb était proche) ou des intellectuels comme Emmanuel Todd se succèdent ainsi sous sa plume. Et on comprend que c’est une certaine gauche, héritière de celle qui ne voulait pas désespérer Billancourt, qui la désole au-delà de tout par sa cécité plus ou moins volontaire devant les réalités.
Elle s’attaque ensuite à la sulfureuse notion d’islamophobie pour montrer sa vacuité et l’imposture intellectuelle qu’elle représente, puisqu’elle ne sert qu’à faire condamner comme racistes des propos qui sont simplement hostiles à une religion, en pratiquant la même essentialisation que l’extrême-droite ramenant les fidèles à leur culte. Elle montre le danger de la posture différentialiste des Anglo-Saxons, qui finissent par placer sur le même plan dans leur presse les victimes et leurs bourreaux. On ne peut que lui donner raison quand elle explique que l’absence de laïcité et de Charlie Hebdo antireligieux chez eux n’a pas empêché nombre de citoyens britanniques ou américains de se retrouver dans les camps djihadistes. Ce n’est qu’à la fin de son ouvrage qu’elle arrive à la question du blasphème, en soulignant qu’il n’est pas synonyme de haine, bien au contraire, mais d’émancipation d’un ordre religieux souvent pesant. Traditionnel en France depuis la Révolution puis l’Assiette au beurre, il reste poursuivi dans de nombreux Etats, parfois par la peine de mort.
On l’aura compris, c’est un petit ouvrage écrit en réaction, mais un ouvrage de combat, d’un combat dans lequel Caroline Fourest a choisi son camp, celui de la liberté de l’individu et de son droit à la dérision.

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