samedi 9 juillet 2022

Lecture d'été 2022 - 1 : Réinventer la gauche en Languedoc-Roussilon 1945-1968

 

André BALENT et Richard VASSAKOS (dir), Réinventer la gauche en Languedoc-Roussillon 1945-1968, Guerre froide, anticolonialisme, occitanisme et genèse de la Nouvelle gauche, Publication de l’Olivier, Maitron Languedoc-Roussillon, Perpignan 2022, 234 pages.



Notre président, Richard Vassakos, par ailleurs membre du Maitron Languedoc-Roussillon, vient de codiriger l’édition des actes d’un colloque qui s’est tenu à Béziers en 2011. C’est donc là le résultat d’un travail de longue haleine, sans nul doute difficile à mener lorsqu’on travaille ailleurs que dans une grande ville universitaire, qui nous est livré. Notons-le d’entrée, deux des communications qui auraient dû s’y retrouver ne sont pas parvenues à l’éditeur. Les éventuelles conclusions sont également absentes. On a donc ici six communications, dont deux relèvent de l’enquête prosopographique. Un index aurait sans doute été le bienvenu, mais il est déjà très positif que cette édition ait pu voir le jour.

 

Que peut-on retenir de cette lecture ? D’abord, la période de l’après-guerre, et en particulier la guerre d’Algérie, est un moment de redéfinition de la gauche. La SFIO, et même souvent le PCF, pâtissent en effet de leur politique face à la question coloniale, comme en témoigne l’article sur le messalisme chez les mineurs algériens des Cévennes. Tout un peuple de militants ne se retrouve plus dans leurs positions. C’est bien souvent le PSU qui les accueille et qui sert, même si la formule est galvaudée, de « laboratoire d’idées ». La question occitane est un exemple de la force et des limites de ce rôle de laboratoire. Si le passage par le PSU permet à Lafont, secrétaire général de l’Institut d’Etudes Occitanes, de faire accepter l’idée d’une régionalisation à la gauche, jusque là fort jacobine, il le fait dans un cadre national, et sans arriver à définir, et encore moins à faire accepter, un cadre territorial concret. L’occitanisme restera du domaine du culturel. Le parcours politique du Carcassonnais René Nelli, surtout connu pour son œuvre culturelle, illustre toutes les limites et les ambiguïtés du mouvement occitaniste. Membre de la municipalité vichyste de Carcassonne pendant la guerre, il est cependant en relations avec des résistants, et à ce titre parfois perquisitionné par la police, et il écrit à la libération dans un journal communiste. Par la suite, il s’éloigne du PCF pour se rapprocher de la nouvelle gauche. Son journal n’évoque jamais les grands événements planétaires, face auxquels on aurait pu attendre un positionnement clair. Le goût culturel n'a finalement eu que peu d'incidence politique. Les articles à caractère prosopographique font, quant à eux, ressortir l’importance des enseignants dans le PSU, en particulier après mai 68. On a là une gauche intellectuelle qui revient dans le giron socialiste après le congrès d’Epinay.


Alors, la gauche fut-elle réinventée en Languedoc ? Certes pas, mais à lire ce recueil, une certaine sensibilisation à l'idée régionale a pu passer par là. Pour le reste, la région fut plutôt un réceptacle parmi d'autres d'idées et de luttes plus générales. 


Jean-Philippe Coullomb

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