Histoire du dessin animé français entre 1936 et 1940. Une politique culturelle d’Etat ? Préface d’Hervé Joubert-Laurencin, Coll. Cinémas d’animations, L’Harmattan, septembre 2014, 360 p., 37 €.
Histoire politique et économique du dessin animé français sous l’Occupation (1940-1944), Un âge d’or ?, tome 2. Préface de Laurent Creton et Jean-Pierre Bertin-Maghit, Coll. Cinémas d’animations, L’harmattan, juillet 2014, 330 p., 34 €.
Les Histoire du cinéma français sont plurielles : Chirat (1989), Jeancolas (1995), Beylie (2000), Prédal (2013)..., celle de Roffat (2014), sous l’angle du dessin animé, va faire date. Ses deux ouvrages, rappelant la somme de Paul Leglise, Histoire de la politique du cinéma français, avec Le cinéma et la Troisième République et Entre deux Républiques (1940-1946)(Filméditions Lherminier, 1969 et 1977), précédent deux autres tomes à venir et annoncent une monumentale "Histoire politique du cinéma d’animation français". Ce travail, croisant histoires culturelle, institutionnelle, politique, économique et esthétique, est issu de L’émergence d’une école française du dessin animé sous l’Occupation (1940-1944) ?, thèse soutenue en 2012 à la Sorbonne nouvelle - avec comme jury, Catherine Velay-Vallantin, Laurent Creton, Sébastien Denis, Hervé Joubert-Laurencin et Jean-Pierre Bertin-Maghit - qui reçut le Prix de la Chancellerie 2013. Cela n’étonne guère, Sébastien Roffat est un historien, spécialiste français du cinéma d’animation. Citons Animation et propagande : les dessins animés pendant la Seconde Guerre mondiale (L’Harmattan, 2005), Disney et la France : les vingt ans d’Euro Disneyland (L’Harmattan, 2007), Propagandes animées : le dessin animé politique entre 1933 et 1943 (Bazaar & Co, 2010). Il est aussi directeur de la Collection Cinémas d’animations chez L’Harmattan. Le cinéma d’animation est le parent pauvre du 7e Art : 7eArt bis ou 8e Art, Art mineur dans l’Art majeur, il est assimilé par le public à un produit pour enfants et est l’oublié et le mal-aimé des chercheurs
Les ouvrages en langue française sur ce sujet sont rares : Lo Duca, Le dessin animé (Prisma, 1949), Raymond Maillet, Le cinéma animé français (1983, Institut Lumière), Pascal Vimenet et Michel Roudevitch (dir.), Le cinéma d’animation (CinémAction, 1989), Jacques Kermabon (dir.), Du praxinoscope au cellulo, Un demi-siècle de cinéma d'animation en France (1892-1948) (CNC, 2007), Sébastien Denis,Le cinéma d’animation (Armand Colin, 2007). Le tome 1 propose en introduction une historiographie du cinéma d’animation de 1922 à nos jours et un corpus filmique, riche de 60 films d’animation et 53 dessins animés. Il pose la problématique : « Comment, entre 1940 et 1944, en cherchant à adapter le modèle américain et à faire revivre un art né en France, l’Etat français crée-t-il une école française du dessin animé » ? Dans les Années 30, le cinéma animé français est en crises avec le marché américain qui représente 96 % des dessins animés en France et un désintérêt absolu de l’État français pour le genre animé. Walt Disney triomphe avec Mickey Mouse (1929) et Blanche Neige et les sept nains (1938), alors qu’Émile Cohl, le père du dessin animé français, meurt dans la misère. Les grandes maisons de distribution de dessins animés américains Paramount, MGM, Columbia, Warner Bross, Fox, RKO caracolent. Face à ce monopole écrasant, l’atelier Lortac se replie sur le dessin animé publicitaire avant de sombrer. Des tentatives isolées de résistance se multiplient avec René Bertrand et Jean Painlevé, Pierre Bourgeon, Léontina Indelli et Lo Duca. Des artistes étrangers installés à Paris innovent : Ladislas Starewitch, Berthold Bartosch, Alexandre Alexeïeff, Anthony Gross, Hector Hoppin. L’avant-garde française offre un petit souffle avec Fernand Léger, Léopold Survage, Henri Valensi, Man Ray, Jean Vigo, Jean Cocteau..., mais la rencontre entre André Sarrut et Paul Grimault est fondamentale avec la fondation en 1936 de la société Les Gémeaux qui, créant une logique industrielle et rationalisant les moyens de production, devient en 15 ans la plus grande d’Europe et enfante l’École française du dessin animé. Le tome 2 marque l’intérêt de l’État français pour le dessin animé et tente de répondre aux questions : Pourquoi faire des dessins animés sous l’Occupation ? Y a-t-il conflits d’intérêt entre l’Occupant allemand et les autorités de Vichy ? Sont étudiées l’organisation et les nouvelles institutions pour le dessin animé français (1940-1941) et la structuration industrielle du cinéma animé français (1942-1944) avec le rôle du Comité d’organisation de l’industrie cinématographique (COIC) puis de la Direction générale de la cinématographie nationale. L’organisation de la politique économique de Vichy est abordée par la production et le financement des dessins animés du ministère de l’Information (Service du cinéma) et du Crédit national. Elle s’achève par le processus de remboursement - parfois désagréable - des participations financières, avec le problème des assurances en temps de guerre. Pour conclure – provisoirement, dans l’attente des deux autres tomes - il est délicat de parler d’Âge d’or du dessin animé français. Si celui-ci se porte mieuxsous l’Occupation, c'est en raison de la non-concurrence du dessin animé américain et du sur-financement public du gouvernement de Vichy. Dès la fin de l’Occupation et le retour des dessins animés américains, bon nombre de studios français vont disparaître.
Albert Montagne