Bruno Benoît, Président de l'APHG
Au moment où sont peaufinés les derniers textes de la réforme pour les programmes d’Histoire des collèges, il y a un paradoxe à dénoncer. En effet, si l’Histoire occupe une place de premier plan dans la geste politique du gouvernement et de la présidence de la République, comme lors du discours du Panthéon, elle n’est qu’un parent pauvre dans la future réforme. D’un côté, l’Histoire est magnifiée, instrumentalisée, récupérée, de l’autre, elle est malmenée, marginalisée, négligée.
Le Forum sur l’Histoire, organisé par le Conseil supérieur des programmes (CSP), qui s’est tenu à la Sorbonne le 3 juin 2015 n’a, en rien, apporté des réponses au malaise ressenti par de nombreux collègues et aussi par des parents d’élèves, face à cette réforme plus imposée que discutée.
Être historien, ce n’est agir ni en procureur, ni en partisan, ni en moraliste, mais de travailler, selon la belle formule de Marc Bloch, tel un juge d’instruction, impartialement. L’Histoire dit comment les choses se sont passées, faire de l’Histoire c’est décoder les a priori. La mémoire n’est pas l’histoire, car elle est plurielle, c’est une source à laquelle l’histoire recourt et non un récit à prendre comme tel.
L’Histoire mérite mieux que le devenir que lui réserve la réforme. C’est une science sociale, qui créé du lien, de la citoyenneté, qui élève le pays, avec laquelle on peut espérer construire le nouveau récit national qui permettra à tous les jeunes de France, quelles que soient leurs origines et leurs confessions, de mieux vivre ensemble sur le même territoire. Si la réforme des programmes est au centre des débats qui animent la société, c’est parce que l’Histoire, tant celle des pages blanches que des pages noires, est une composante indispensable pour bâtir la communauté nationale du XXIe siècle.
Pour démêler l’écheveau complexe des événements, pour les remettre dans leur contexte, pour répondre aux questions des élèves, pour les intéresser, pour les faire travailler sur des textes ou des illustrations, pour pouvoir travailler en équipe, il faut du temps, donc des horaires décents, il faut de la liberté pédagogique, donc faire confiance aux enseignants, il faut leur permettre d’avoir des savoirs renouvelés donc leur offrir, sur fonds ministériels, une formation permanente de qualité. Enfin, il faut redonner plus de place au disciplinaire dans les concours de recrutement.
Il ne faut pas composer un programme avec des modules obligatoires et d’autres optionnels, ce qui créé de l’incohérence, car le professeur est en mesure de choisir et de composer sa démarche en fonction de son public et, en ayant à cœur, d’éviter de tronçonner l’Histoire, car l’Histoire, nationale et mondiale, a vocation à être traitée de façon globale.
Cette réforme, qui se veut novatrice dans son approche « curriculaire », est maladroite dans sa formulation des programmes et manque de moyens, elle appauvrit les disciplines et peut être à l’origine d’inégalités territoriales. Il est encore temps de l’améliorer.
Bruno BENOIT
Président de l’Association des professeurs d’Histoire et Géographie
Professeur d’Histoire contemporaine à l’Institut d’Études politiques de Lyon
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