Qu’y a-t-il de plus stupide que de lire un dictionnaire de la lettre A à la lettre Z ? Un outil de travail n’est pas un roman, après tout. C’est pourtant ce que l’on se surprend à faire avec ce gros dictionnaire historique de Thierry Lentz. Quand on est venu à des études d’Histoire par Napoléon, son écriture souple et élégante, pleine d’humour, abordant un point après l’autre en quelques pages, permet de se mouvoir dans ces événements et ce personnage sans cesse revisités et pourtant toujours aussi passionnants. Il le dit lui-même dans son introduction, cet ouvrage tient lieu de biographie de son héros, auquel il a consacré une véritable masse de livres, reflet d’une masse de travail, qui fait autorité.
La lecture linéaire amènera certes le fanatique de l’Empereur à quelques moments pénibles, à l’image de l’alignement « Baylen », « Berezina », « Bernadotte », et on trouvera toujours à redire sur des notices que l’on aurait pu souhaiter et qui sont absentes. Le « chapeau » en aurait bien mérité une, comme la « Garde Impériale », tandis que si la « légende » est bien présente, une « légende noire » n’aurait sans doute pas été superflue. Mais d’autres entrées, parfois surprenantes, permettent de combler nombre de ces lacunes. Une inattendue notice « Hitler » permet ainsi d’aborder les comparaisons saugrenues et infondées entre l’Empereur et un homme qui ne restera jamais que comme un symbole absolu du mal le plus destructeur. L’iconique chapeau porté en bataille est évoqué dans celle de « portrait ». Le texte de Thierry Lentz, bien écrit et sonnant juste, parle de l’esclavage et des pestiférés de Jaffa, comme des grandes victoires et de l’œuvre juridique du Consulat. Il réserve toujours des surprises, telles une réhabilitation de l’action éducative du père de Napoléon, ou des sentiments mitigés que laissa la cérémonie du sacre à l’Empereur. Justice est rendue au troisième consul, Lebrun, spécialiste utile de l’économie.
Thierry Lentz signe donc ici une incontestable réussite, où chaque notice se conclut par une courte bibliographie et des renvois à celles sur des sujets voisins. Servi par un vrai bonheur d’écriture, on a donc un ouvrage qui joint l’utile à l’agréable, l’outil de travail au beau texte. Merci, monsieur Lentz !
Jean-Philippe Coullomb
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