Une note de lecture d'Albert Montagne
Corinne Vuillaume, les enfers, une interrogation filmique
7° Art n° 144, Corlet/Cerf, février 2013, 490 p., 39,5 € (28 photos).
L’enfer est pavé de bonnes intentions. Au cinéma, les enfers sont un pavé de 490 bonnes pages concoctées par Corinne Vuillaume, docteure en études cinématographique passionnée du Diable et Cinéma, au site éponymehttp://www.diable-cinema.net/articles/index_auteur.htm. Les enfers, une interrogation filmique pose la question de la représentation infernale au cinéma. Forte d'un impressionnant corpus filmique (des origines à nos jours), l'auteure répond en donnant les codes infernaux et les idées diaboliques inhérentes. Pour définir ces enfers, le mieux est de consulter, non pas la Filmographie sélective riche de quelque 90 films, mais la Bibliographie sélective, L'étude des films principaux. Haxan, Fantasia, Les visiteurs du soir, Orphée, L'oeil du diable, Simon du désert, Fantasmes, Rosemary's Baby, Lisa et le Diable, L'exorciste, Phantom of Paradise, Sous le soleil de Satan, La dernière tentation du Christ, La neuvième porte, Hellboy... définissent un Diable omniprésent sur Terre et dans les mondes souterrain et cérébral (l'esprit et le corps torturés) ! L'enfer de Vuillaume se divise en 3 parties et 7 chapitres temporels. Chaque période décennale dégage une atmosphère diabolique. Méliès fait surgir le Diable dans 20 de ses films dont Le manoir du Diable (1896). Ses féeries envoutent le public avec ses diables véloces gesticulant aux surgissements et escamotages magiques. Dans les années 10, L’Inferno(Padovan, 1911), inspiré de la Divine comédie, est le premier long métrage infernal. Onésime aux Enfers(Durand, 1912) est un comique incendiaire aux Satan's Girls tentatrices. Dans les années 20, l’invocation du Malin éclate dans les Pages arrachées du livre de Satan (Dreyer, 1921), Haxan (Christensen, 1922), Faust(Murnau, 1926). Maciste aux enfers (Brignone, 1925) ressuscite le héros essoufflé de Pastrone en mêlant avec bons heurts mythologie grecque et christianisme. Dans les années 30, Liliom (Lang, 1934) dévoile le Purgatoire. Dans les années 40, dans Les visiteurs du soir (Carné, 1942), le cœur des amants bat contre le Diable, symbole de la Résistance contre l’Occupant. Dans Hellzapoppin (Potter, 1941), le Diable fait rire avec sa revue de Broadway aux diables grotesques. Dans Le ciel peut attendre (Lubitsch, 1943), un homme qui aimait trop les femmes est jugé par un bon Diable s’étonnant de sa présence. Dans les années 50, on vend son âme au Malin dans La beauté du diable (Clair, 1950), on entre aux enfers en ouvrant un livre maléfique dans Rendez-vous avec la peur (Tourneur, 1957). Orphée et Le testament d’Orphée (Cocteau, 1950 et 1959) modernisent les enfers grecs : dans la Zone, espace indéterminé, dont les portes sont des miroirs, et dans les carrières - du Val d’enfer ! - des Baux de Provence. Dans les Années 60, dans L’œil du diable (Bergman, 1960) - succédant au Septième sceau et à sa Mort Noire ! – le Diable souffre d’un orgelet provoqué par une jeune fille vierge ! Le peplum descend aux enfers avec Hercule contre les vampires (Bava, 1961) et Maciste aux enfers (Freda, 1962). Buñuel donne différentes formes au Diable dans Simon du désert (1965) et La voie lactée (1969). Fisher, Corman et Polanski célèbrent sorcières et cultes sataniques dans Les vierges de Satan (1968), Le masque de la Mort rouge(1964) et Rosemary’s Baby (1968). Dans les Années 70, Friedkin traumatise esprits et corps avec le Diable deL’exorciste (1973). Pasolini redonne une vision traditionnelle des enfers dans Le Décameron (1971) et Les contes de Canterbury (1972), mais s’attire les foudres censoriales ! Dans les années 80, l’élection du président Reagan aux E.U. et la montée de courants chrétiens et d'une dialectique du Mal (l’Iran parle du Grand Satan, les E.U. de l'Empire du Mal) influencent le cinéma. Les contes de fées virent en cauchemars dans Bandits, Bandits (Gilliam, 1981), La compagnie des loups (Jordan, 1984), Legend (Scott, 1985). L’Apocalypse et l'anti-Christ marquent du sceau de l’horreur Prince des ténèbres et Angel Heart (Carpenter et Parker, 1987). Dans les années 90, la fin du Monde éclate dans Le jour de la Bête (Iglesia, 1995), La fin des temps et Stigmata (Hyams et Wainwright, 1999). Dans les années 2000, l'enfer redevient mythologique : Percy Jackson et le voleur de foudre et Le choc des titans(Colombus et Leterrier, 2010), et bédéphiles, angéliques et malins : Hellboy (Toro, 2004), Constantine(Lawrence, 2005), Ghost Rider (Johnson, 2007). En conclusion, cette traversée de l’enfer au pays du 7e Art, loin de tout Achéron nocif, est un voyage inédit, enrichissant et envoûtant. On connait : "L’enfer, c’est les autres" ! J'ajouterai : "Au cinéma, l’enfer c’est Vuillaume" !
Albert Montagne
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