Caroline
FOUREST, Eloge
du blasphème,
Grasset, Paris 2015, 186 pages.
On
connaît l’auteure, son joli minois qui fréquente
assidument les plateaux de télévision, sa force de
conviction qui confine parfois à l’imprécation
religieuse, et on a entendu parler de ses approximations
occasionnelles dans ses propos comme dans ses écrits. On
retrouve dans ce livre écrit après les attentats de
janvier dernier l’ancienne journaliste de Charlie
Hebdo,
avec sa pugnacité coutumière. Si elle ne résiste
pas à la tentation de régler des comptes, par exemple
avec Pascal Boniface (mais il est vrai que lui-même ne la
ménage pas), elle a le mérite de porter le fer là
où il le faut en montrant toutes les hypocrisies, depuis
celles d’un clan Le Pen jusqu’à celles de beaucoup
d’associations ou de groupes qui prétendent défendre
les minorités mais qui ne font que basculer dans le
communautarisme et finissent par justifier l’injustifiable. Des
associations de défense des homosexuels, des mouvements
antiracistes, des membres de formations historiquement athées
comme le PCF (dont Charb était proche) ou des intellectuels
comme Emmanuel Todd se succèdent ainsi sous sa plume. Et on
comprend que c’est une certaine gauche, héritière
de celle qui ne voulait pas désespérer Billancourt, qui
la désole au-delà de tout par sa cécité
plus ou moins volontaire devant les réalités.
Elle
s’attaque ensuite à la sulfureuse notion d’islamophobie
pour montrer sa vacuité et l’imposture intellectuelle
qu’elle représente, puisqu’elle ne sert qu’à
faire condamner comme racistes des propos qui sont simplement
hostiles à une religion, en pratiquant la même
essentialisation que l’extrême-droite ramenant les
fidèles à leur culte. Elle montre le danger de la
posture différentialiste des Anglo-Saxons, qui finissent par
placer sur le même plan dans leur presse les victimes et leurs
bourreaux. On ne peut que lui donner raison quand elle explique que
l’absence de laïcité et de Charlie
Hebdo
antireligieux chez eux n’a pas empêché nombre de
citoyens britanniques ou américains de se retrouver dans les
camps djihadistes. Ce n’est qu’à la fin de son
ouvrage qu’elle arrive à la question du blasphème,
en soulignant qu’il n’est pas synonyme de haine, bien au
contraire, mais d’émancipation d’un ordre
religieux souvent pesant. Traditionnel en France depuis la Révolution
puis l’Assiette
au beurre,
il reste poursuivi dans de nombreux Etats, parfois par la peine de
mort.
On
l’aura compris, c’est un petit ouvrage écrit en
réaction, mais un ouvrage de combat, d’un combat dans
lequel Caroline Fourest a choisi son camp, celui de la liberté
de l’individu et de son droit à la dérision.
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