La régionale Languedoc-Roussillon de l’Association des Professeurs
d’Histoire et Géographie (APHG-LR) apporte son soutien plein et entier aux
professeurs des lycées de Béziers signataires de la lettre demandant au maire
de la ville de cesser d’instrumentaliser l’histoire et particulièrement la
figure de Jean Moulin dans un sens idéologique et sans fondements
scientifiques.
L’APHG-LR, émanation régionale d’une association républicaine plus que
centenaire, soucieuse de la transmission des valeurs démocratiques et des Droit
de l’Homme à travers un enseignement de qualité de l’histoire et de la
géographie, ne peut que s’associer aux vœux des collègues du lycée Jean
Moulin. (La lettre est reproduite ci-après)
Chaque jour, dans leurs classes, ils transmettent des savoirs objectifs
scientifiquement établis et nul ne peut mettre en cause leur valeur et leur
professionnalisme.
Pour l’APHG-LR,
Richard Vassakos,
président de la régionale, Jean-Philippe Coullomb, membre du bureau,
professeurs dans des lycées du Biterrois.
La lettre des
professeurs
Monsieur le
Maire,
En ce début de
2016, permettez-nous, tout d’abord, de vous adresser nos vœux de bonne année.
Par votre intermédiaire, nous les souhaitons aussi à tous les Biterrois.
Professeurs
d’histoire- géographie et d’éducation civique, nous constatons depuis bientôt
deux ans au travers des publications du bulletin municipal ou des interventions
médiatiques du premier édile de notre cité, un “certain” intérêt pour
l’Histoire et le patrimoine. En tant que professeurs et pédagogues, nous
devrions nous en féliciter. Hélas, l’instrumentalisation et le retricotage de
l’Histoire à des fins strictement polémiques confinent désormais à une
orientation idéologique telle qu’il nous a paru relever de notre devoir de
citoyens d’exprimer publiquement notre désaccord. Précisément parce que nous
sommes des professeurs profondément attachés à la rigueur de la démarche
historique.
Alors, en ce
début d’année 2016, permettez-nous, Monsieur le Maire, au nom de l’ensemble (1)
des professeurs d’histoire-géographie du lycée Jean-Moulin, de vous adresser
les trois vœux qui suivent en forme de requêtes. Le premier vœu sera celui de
l’apaisement et de la sérénité. Parce qu’"ici, c’est Béziers" et que
la situation nationale est déjà suffisamment tragique, les Biterrois ont, plus
que jamais, un besoin impérieux de concorde et de confiance en l’avenir. Aussi,
débaptiser un nom de rue pour rouvrir des plaies et raviver de vieilles
rancœurs en faisant de Béziers la vitrine de la réhabilitation de l’OAS ou
créer un raccourci historique inapproprié en référence implicite à la crise des
migrants, "quand les Barbares envahissaient l’empire romain (2)", ne
nous paraît pas concourir à l’établissement d’un climat serein au cœur de notre
cité. De la même manière, ressusciter d’entre les morts les poilus biterrois
dans un mauvais tour de spiritisme lors de la traditionnelle commémoration du
11-Novembre et leur prêter une interrogation sur ce qu’ils diraient "en
voyant certaines rues de nos communes où le Français doit baisser la tête ?
(3)" nous paraît relever d’une utilisation pour le moins abusive et
peut-être indécente de l’histoire. Parce qu’"ici, c’est Béziers",
ville méditerranéenne de tradition républicaine pétrie de tolérance, le
deuxième vœu sera celui du rassemblement et de l’unité : rassembler plutôt que
diviser. Ainsi, tenons-nous à rappeler, Monsieur le Maire, que l’organisation
de manifestations religieuses dans un espace semi-public ne s’inscrit pas dans
la tradition laïque garante de cohésion sociale et protectrice des libertés.
Nous savons que Mairie et École sont deux piliers fondateurs de notre
République laïque ; en ce qui nous concerne, nous sommes scrupuleusement
attachés au respect des obligations de réserve et de neutralité qui nous
incombent sur notre lieu de travail et dans notre enseignement. De même, se
réclamer de Charles Martel - "Je veux retrouver notre France, celle de
Charles Martel" -, ne peut, selon nous, contribuer à renforcer l’unité des
Biterrois. Au sujet de cette dernière et bien malheureuse référence historique
(4), il convient de rappeler qu’en son temps, ledit Charles Martel fut le plus
grand spoliateur de l’Église et surtout le bourreau de notre cité qu’il mit à
sac, pilla et incendia en 737 (5).
Enfin, le
troisième et dernier vœu sera pour nous le plus cher : celui du respect de la
mémoire. Parce qu’"ici, c’est Béziers", nous devons paix, respect et
déférence à la mémoire de Jean Moulin, enfant de Béziers et unificateur de la
Résistance française."Trop souvent, ceux qui nous attaquent se dissimulent
derrière la figure de Jean Moulin. Ces gens-là sont des faussaires",
twittait le premier magistrat, le 9 décembre dernier, mettant en garde ceux qui
voudraient récupérer l’héritage du plus célèbre des Biterrois. Mais quelques
heures plus tard, le même jour, le premier édile poursuivait dans un autre
tweet : "Dimanche, au nom de Jean Moulin, au nom de la République, nous
ferons barrage à la gauche (6)".
Nous
rappellerons, Monsieur le Maire, qu’en son temps, Jean Moulin - dont le père
était professeur d’histoire à Béziers - avait fait le choix lucide et courageux
de ne pas se soumettre à une idéologie reposant sur l’exclusion, la division et
la fascination malsaine pour un passé idéalisé. Homme de tolérance et de
conviction, il avait su rassembler autour de lui et du général De Gaulle, les
résistants de toutes obédiences et de toutes origines, refusant de transiger
avec le régime collaborateur de Vichy, dictature antisémite, xénophobe, régime
d’ordre et d’exclusion aux antipodes de la République et de ses valeurs. Nous
n’avons pas la prétention d’être les dépositaires de la mémoire de Jean Moulin.
Mais nous savons que si son cénotaphe se trouve au Panthéon, c’est parce qu’il
était le visage de la France républicaine.
Alors, Monsieur
le Maire, de grâce, précisément parce qu’"ici, c’est Béziers", les
citoyens que nous sommes, professeurs d’histoire- géographie du lycée de votre
ville qui porte cet illustre nom, font le vœu, à l’orée de cette année 2016,
que vous cessiez de "torturer" la mémoire de Jean Moulin et que vous
laissiez ses mânes reposer définitivement en paix. Recevez, Monsieur le Maire,
nos meilleures salutations.
1.
Citoyens-professeurs du LPO auxquels se sont joints d’anciens citoyens-professeurs
d’histoire-géographie ayant enseigné au lycée Jean-Moulin de Béziers.
2. Tweet de R.
Ménard du 23/11/2015 recommandant l’article du Figaro-Histoire.
3. Extrait du
discours de M. le Maire lors de la commémoration du 11 novembre 2015 :
"Ceux qui sont morts pour sauver la France de la victoire allemande, que
diraient-ils en voyant certaines rues de nos communes où le Français doit
baisser la tête ?"
4. Extrait du
discours de R. Ménard lors du meeting de Marion Maréchal-Le Pen, à Toulon, le
1er décembre 2015. Nous faisons le vœu, Monsieur le Maire, qu’au regard du
triste sort de Béziers en 737, vous cherchiez encore longtemps "la France
de Charles Martel".
5. Henri Julia,
Histoire de Béziers, Paris, Maillet, 1845, page 22, reprint Éditions de la Tour
Gile, Péronnas, 1997 et dom Claude Devic et dom Joseph Vaissette, Histoire
Générale du Languedoc, Tome 1, édition accompagnée de dissertations & notes
nouvelles, Toulouse, Édouard Privat, 1872, page 807.
6.Tweet du
9/12/2015 lors du second tour des élections régionales
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