En attendant la venue de Pierre PURSEIGLE
Dans le cadre des conférences effectuées avec nos partenaires d'Hérault-Culture, l'APHG-LR attend la venue du Biterrois Pierre Purseigle. Signalons que la date a d'ailleurs été avancée au 22 janvier prochain. C'est l'occasion pour nous de vous présenter une recension de son ouvrage Mobilisation, sacrifice et citoyenneté, Angleterre-France, 1900-1918.
Pierre PURSEIGLE, Mobilisation, sacrifice et citoyenneté,
Angleterre-France 1900-1918, Les Belles Lettres, Paris 2013, 450 pages.
C'est donc l’occasion pour nous de découvrir la version éditée de sa thèse, consacrée à une comparaison entre les
mobilisations de Béziers et de Northampton lors du premier conflit mondial.
Publié il a quelques années, l’ouvrage ne cache pas ses origines universitaires.
Références d’archives en notes infrapaginales, bibliographie roborative,
présentation et utilisation de concepts issus de disciplines différentes sont
présentes à l’appel, même si la lecture reste tout à fait abordable. Le but de
l’auteur est d’expliquer à quel point les réactions des habitants s’enchâssent
dans un tissu d’habitudes tant nationales que régionales, locales,
professionnelles ou confessionnelles. Il veut donc montrer à quel point les
cultures de guerre, loin d’être seulement imposées par les Etats, sont
construites avec les acteurs locaux, aboutissant à une intériorisation et une
acceptation de la guerre dans la profondeur des sociétés.
Purseigle souligne
d’abord combien la mobilisation des troupes s’effectue sans heurt, que ce soit
à Northampton, ville ouvrière où les grèves n’étaient pas rares, ou à Béziers,
ville viticole marquée par le souvenir
des événements de 1907. Dans le cas anglais, le pic des engagements
volontaires, à l’origine des fameux Pals
Battalions, se situe après l’annonce des premiers revers à Mons. Dans les
deux cas, la mobilisation des esprits passe, classiquement, par la
diabolisation de l’ennemi, renforcée par l’arrivée de réfugiés des régions
envahies. Mais elle recourt aussi à l’exaltation des cultures locales. Outre-Manche,
on met en avant la qualité des chaussures militaires produites dans la ville,
et la notoriété de Mobbs, capitaine de l’équipe de rugby des Saints et engagé
volontaire. A Béziers, le vin combat le « Boche » tandis que tout est
fait pour honorer le courage des Biterrois malgré l’affaire du XVème Corps.
Si la propagande et la
censure ont cours, elles sont plutôt moins monolithiques que l’on pourrait le
penser au premier abord, et le lien avec les soldats et la cause à défendre est
d’abord maintenu par des gestes du quotidien comme des collectes ou des
cérémonies. Souvent effectuées dans un cadre confessionnel ou professionnel,
elles font partie de ces éléments qui soulignent le lien très fort entre les
combattants et leurs communautés d’origine. Le système régimentaire anglais
pousse évidemment dans le même sens, avec la levée de troupes par comté, mais
on a des équivalents à Béziers, où le 96ème RI, pourtant en garnison
depuis peu de temps, fait figure de régiment local alors même que des Biterrois
sont ventilés dans de nombreux autres corps également. Les entreprises, comme
le relieur anglais Birdsall and Sons,
honorent aussi constamment ceux des leurs qui sont à l’armée.
En bout de chaîne, si
des tensions apparaissent dans les sociétés, elles sont maintenues à un niveau
réduit par un mélange de contrôle et de négociations entre pouvoirs locaux et
nationaux, finalement efficace et où les
syndicalistes ont toute leur place, à l’image de l’Anglais Gribble, homme actif
et respecté, qui fait accepter l’effort de guerre en expliquant que les
libertés et les progrès sociaux sont du côté de l’Entente, et en encourageant
l’évolution du système d’aides vers un fonctionnement parapublic avec des
prélèvements obligatoires sur les revenus pour financer la solidarité envers
les familles en difficulté des hommes au front.
L’auteur conclut en
replaçant son travail en perspective dans le débat franco-français entre
soumission et consentement, dont il explique le côté surréaliste vu d’ailleurs.
Pour lui, le discours d’un Fabien Loez, qui insiste lourdement sur la dimension
strictement répressive du fonctionnement militaire, passe en fait à côté de
l’essentiel. La belligérance est un état de fait avec lequel les combattants
comme les non combattants ne peuvent pas négocier. Finalement, la victoire est
revenue aux pays démocratiques qui ont su mobiliser le mieux leurs forces, et
d’abord leurs forces morales.
Jean-Philippe Coullomb
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