Javad Zeiny, Le
cinéma iranien, Un
cinéma national sous influences, de 1900 à 1979 (avant
la Révolution), Préface
de Jean-Luc Godard. Ed. L’Harmattan, Coll. Iran en transition,
novembre 2015, 298 p. 31 €.
Ce
livre est issu d'une thèse en Histoire et sémiologie du
texte et de l'image sous la direction de Claude Murcia, Le
cinéma iranien, un cinéma national sous influences, de
1930 à 1978, soutenue
à Paris 7 en 2013. La préface de JLG s’explique
par les nombreuses influences - d’où le sous-titre - sur
le cinéma iranien, notamment françaises de la Nouvelle
Vague.
Dès
1917, les religieux se méfient de la photographie et du
cinéma, technologies nouvelles venues de loin, et un consul
américain est même assassiné parce qu’il
voulait photographier un rassemblement de Musulmans. Dès que
l’on montre des femmes non voilées dans les salles de
cinéma, le cinéma est interdit par les religieux, mais
le Shaikh Nouri, ayant visionné et apprécié
quelques films en projection privée, lève l’interdit.
La voix des religieux perdure cependant dans les mosquées et
les journaux contre cet art, diable d’images et de sons et
modèle de colonisation et d’aliénation du peuple.
La méfiance est identique dans les autres pays musulmans,
comme d’ailleurs aux E.-U. avec les Catholiques à
Hollywood. Les premiers cinémas iraniens sont ainsi mal vus,
assimilés à des lieux pour homosexuels et prostituées,
les femmes seules étant considérées comme
adultères et les accompagnées étant aussi
méprisées. Les premières influences sont
turques, 20% de la population iranienne parlant le turc, et
théâtrales, égyptiennes, opposant le Bien et le
Mal, le pauvre au riche, aux scènes interminables de chants et
de danses. S’y ajoute l’influence indienne : même
si des différences de religion séparent l’Iran et
l’Inde, les deux pays ont les mêmes notions de famille et
de vie et les films indiens sont moralement corrects, contrairement
aux films occidentaux. Dans les années 60, les influences
américaines apparaissent, l’air de changement soufflant
des E.-U. à l’Iran avec la violence de Peckinpah,
Siegel, Boorman, Forman. La fièvre américaine se
transmet aux jeunes cinéastes iraniens tels Amir Naderi, Jalal
Moghaddam et, surtout, Massoud Kimiai, qui, empreint de films
d’actions et de gangsters, propose dans ses films une version
négative de la police et de l’autorité en
général, en bravant les interdits. Mais l’influence
européenne, néoréaliste italienne et Nouvelle
vague française, prédomine. Antonioni, Comencini, De
Sica, inspirent Dariush
Mehrjui (La
vache, Le cercle de Mina),
Sohrab
Shadid Saless
(Un
simple événement),
Hajir Darush (Bita),
Abbas Kariostami (Le
pain de la rue,
Où
est la maison de mon ami ?) ;
Rivette, Rohmer, Godard inspirent Mohammad Ali Jafari (Marjan),
Farrokh Ghaffari (Le
sud de la ville),
Majid Mohseni (Le
noble voyou),
Kamran Shirdel (Le
matin du quatrième jour,
remake d’A
bout de souffle).
Le cinéma iranien sous influences perpétuelles est-il
un cinéma national ? Oui, comme il a son public, oui,
comme il remplit les festivals internationaux, oui, comme il a ses
lieux de tournage propres (le hammam, la maison familiale, le
cimetière, la mosquée). 10 pages de quelque 50 photos N
& B commentées, 5 pages de tableaux en annexes et 5 pages
de bibliographie trilingue (anglaise, française et persane) et
sélective (on regrette notamment Histoire
du cinéma iranien (1900-1999)
de Mamad Haghighat et Frédéric Sabouraud et les
Cinémas du Moyen-Orient :
Iran, Egypte, Turquie
d’Yves
Thoraval)
concluent l’ensemble. Un ouvrage documenté, historique
et interculturel, sur un cinéma encore méconnu. On
aurait apprécié un chapitre censorial sur un pays connu
pour sa politique religieuse rigoriste.
Albert
Montagne
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