mercredi 24 février 2016

La chronique cinéma d'Albert Montagne: François Amy de la Bretèque, Le Moyen Âge au cinéma, Panorama historique et artistique ,

François Amy de la Bretèque, Le Moyen Âge au cinéma, Panorama historique et artistique, Coll. Cinéma Arts visuels, Ed. Armand Colin, septembre 2015, 224 p., 24 €.



François de la Bretèque enseigne le cinéma à l’université Paul Valéry Montpellier 3, il est membre de l’Institut Jean Vigo de Perpignan - qui consacra en 1975 le Festival Confrontation au Moyen Âge vu par le cinéma et en 1985 le numéro 42-43 des Cahiers de la Cinémathèque au Moyen Âge au cinéma - et directeur de la revue Archives. Le Moyen Âge au cinéma, genre au goût du jour avec des films (Game of Thrones, Le seigneur des anneaux) et séries télévisées (Kaamelot, Robin des bois), est la période de la chute de Rome (476) à celle de Constantinople (1453) ou aux Conquête de l’Amérique et Reconquête en Espagne (1492). Son espace est l'Europe chrétienne des chevaliers et vassaux, châteaux forts et cathédrales. Le film médiéval, quelle que soit sa décennie, reproduit l’histoire de la société de son temps. Il parle du présent mais tient un discours sur la réalité médiévale et son succès ne se dément pas et traverse tout un siècle riche de centaines de films. Les années 1900-1935 sont le cinéma moyenâgeux avec Jeanne d’Arc (1900) de Georges Méliès et Le siège de Calais (1911) d’Henri Andréani. S’ensuit l'epic avec Robin des bois (1922) d’Alan Dwan avec Douglas Fairbanks, homo americanus projeté dans le passé, et Les croisades (1935) de Cecil B. De Mille, film sur la conquête de l’Ouest. Les années 1935-1950 sont l’époque classique. Le cinéma patrimonial européen brille avec Les Nibelungen : La mort de Siegfried et La vengeance de Kriemhild (1921, 1924) de Fritz Lang, films expressionnistes annonçant l’idéologie nazie. La réponse française est Le miracle des loups (1924) de Raymond Bernard et Les visiteurs du soir (1942) de Marcel Carné sur l’âme de la France. Henry V de Laurence Olivier (1945) est le jeune chef de guerre De Gaulle ou Churchill. Entre les deux guerres mondiales, La passion de Jeanne d’Arc de Carl-Theodor Dreyer (1928), film français sur l’intolérance sociale et religieuse, s’oppose à Alexandre Nevski de S. M. Eisenstein (1938), film soviétique de propagande stalinienne. Les années 1938-1960 sont l’apogée d'Hollywood. Les aventures de Robin des bois de Michael Curtiz et William Keighley (1938) illustre le melting-pot de l’Amérique rooseveltienne et Ivanhoé de Richard Thorpe (1952) traite le délicat sujet des Juifs en terre chrétienne. Films à part, Les vikings de Richard Fleischer (1958) et Le Cid d’Anthony Mann (1961) abordent, l’un l’expansionnisme allemand, l’autre les valeurs westerniennes de la démocratie américaine. Le Moyen Âge moderne est celui des années 1950. Onze fioretti de François d’Assise de Roberto Rossellini (1950), film néoréaliste italien, filme le passé comme s’il était en train de se dérouler, Le septième sceau d’Ingmar Bergman (1957) est une allégorie sur la Mort et la peur atomique. Andreï Roublev d’Andreï Tarkovski (1966), film au mysticisme slave niant l'idéologie soviétique, est censuré et sort, amputé de vingt minutes, au Festival de Cannes en 1969. Falstaff d’Orson Welles (1966) est l'image du réalisateur rejeté par les studios comme son modèle est banni par le nouveau roi. Le Decameron, Les contes de Canterbury et Les mille et une nuits de P. P. Pasolini (1970, 1972, 1974) sont une Trilogie de la vie donnant la parole au peuple païen et paillard. Lancelot du lac de Robert Bresson (1974) et Perceval le Gallois d’Eric Rohmer (1978) éclairent le cycle arthurien. Les années 1970 sont le Moyen Âge critique, parodique et polémique. L’armée Brancaleone et Brancaleone s’en va-t-aux croisades (1966, 1970) de Mario Monicelli montrent un Moyen Âge barbare peuplé d’analphabètes et Monty Python, Sacré Graal de Terry Jones et Terry Gilliam (1975) désacralise à coups de non-sense le mythe arthurien. Le seigneur de la guerre de F. J. Schaffner (1965) s'attaque à la féodalité (impérialisme) balayée par la loi du désir et Kingdom of Heaven de Ridley Scott (2005) est un film sur les Croisades tourné dans le contexte de la montée du terrorisme. Films d’historiens et films archéologiques, Le moine et la sorcière de Suzanne Schiffman (1987) est une approche esthétique et féministe de la sorcière et La passion Béatrice de Bertrand Tavernier (1987) la vie de château devenue un enfer. Le Moyen Âge est aussi fantasmé : Quasimodo de William Dieterle (1939) incarne la lâcheté des démocraties occidentales devant les minorités persécutées, La couronne de fer d’Alessandro Blasetti (1941) le régime fasciste, Excalibur de John Boorman (1982) les doutes d’un empire américain menacé, Le nom de la rose de J.-J. Annaud (1986) est un thriller médiéval à l’Agatha Christie et Conan Doyle. La modernité médiévale ou étrangeté frontale oublie les représentations naïves pour une reconstitution historique dans Le roi pêcheur de Terry Gilliam (1991). La conclusion appartient à l’auteur : quels que soient les Moyens Âges au cinéma et leurs versions, « ce sont autant de visions du Moyen Âge dans lesquelles il reste quelque chose à prendre et qu’une vision informée permet de vérifier ». Le livre comporte 42 photogrammes commentés et un index filmique mais curieusement aucune bibliographie finale. Cette Belle Promenade avec l’amour et la mort des films (à voir) sur le Moyen Âge invite à lire, du même auteur, L’imaginaire médiéval dans le cinéma occidental (2004, 1280 p.) chez Honoré Champion à 199 € mais dans toutes les bonnes bibliothèques et cinémathèques ! 
Albert Montagne

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire