François Amy de la Bretèque, Le Moyen Âge au cinéma, Panorama historique et artistique, Coll. Cinéma Arts visuels, Ed. Armand Colin, septembre 2015, 224 p., 24 €.
François
de la Bretèque enseigne le cinéma à l’université
Paul Valéry Montpellier 3, il est membre de l’Institut
Jean Vigo de Perpignan - qui consacra en 1975 le Festival
Confrontation au Moyen
Âge vu par le cinéma
et en 1985 le numéro 42-43 des Cahiers
de la Cinémathèque
au Moyen Âge
au cinéma
- et directeur de la revue Archives.
Le Moyen Âge
au cinéma,
genre au goût du jour avec des films (Game
of Thrones, Le seigneur des anneaux)
et séries télévisées (Kaamelot,
Robin des bois),
est la période de la chute de Rome (476) à celle de
Constantinople (1453) ou aux Conquête de l’Amérique
et Reconquête en Espagne (1492). Son espace est l'Europe
chrétienne des chevaliers et vassaux, châteaux forts et
cathédrales. Le film médiéval, quelle que soit
sa décennie, reproduit l’histoire de la société
de son temps. Il parle du présent mais tient un discours sur
la réalité médiévale et son succès
ne se dément pas et traverse tout un siècle riche de
centaines de films. Les années 1900-1935 sont le cinéma
moyenâgeux avec Jeanne
d’Arc (1900)
de Georges Méliès et Le
siège de Calais
(1911) d’Henri Andréani. S’ensuit l'epic
avec Robin des bois
(1922) d’Alan Dwan avec Douglas Fairbanks, homo
americanus projeté
dans le passé, et
Les croisades
(1935) de Cecil B. De Mille, film sur la conquête de l’Ouest.
Les années 1935-1950 sont l’époque classique. Le
cinéma patrimonial européen brille avec Les
Nibelungen : La mort de Siegfried et
La vengeance de
Kriemhild (1921,
1924) de Fritz Lang, films expressionnistes annonçant
l’idéologie nazie. La réponse française
est Le miracle des
loups (1924) de
Raymond Bernard et Les
visiteurs du soir
(1942) de Marcel Carné sur l’âme de la France.
Henry V
de Laurence Olivier (1945) est le jeune chef de guerre De Gaulle ou
Churchill. Entre les deux guerres mondiales, La
passion de Jeanne d’Arc
de Carl-Theodor Dreyer (1928), film français sur l’intolérance
sociale et religieuse, s’oppose à
Alexandre Nevski de
S. M. Eisenstein (1938), film soviétique de propagande
stalinienne. Les années 1938-1960 sont l’apogée
d'Hollywood. Les
aventures de Robin des bois
de Michael Curtiz et William Keighley (1938) illustre le melting-pot
de l’Amérique rooseveltienne et Ivanhoé
de Richard Thorpe
(1952) traite le délicat sujet des Juifs en terre chrétienne.
Films à part, Les
vikings de Richard
Fleischer (1958) et Le
Cid d’Anthony
Mann (1961) abordent, l’un l’expansionnisme allemand,
l’autre les valeurs westerniennes de la démocratie
américaine. Le Moyen Âge moderne est celui des années
1950. Onze fioretti
de François d’Assise
de Roberto Rossellini (1950), film néoréaliste italien,
filme le passé comme s’il était en train de se
dérouler, Le
septième sceau d’Ingmar
Bergman (1957) est une allégorie sur la Mort et la peur
atomique. Andreï
Roublev d’Andreï
Tarkovski (1966), film au mysticisme slave niant l'idéologie
soviétique, est censuré et sort, amputé de vingt
minutes, au Festival de Cannes en 1969. Falstaff
d’Orson Welles (1966) est l'image du réalisateur rejeté
par les studios comme son modèle est banni par le nouveau roi.
Le Decameron, Les
contes de Canterbury et
Les mille et une
nuits de P. P.
Pasolini (1970, 1972, 1974) sont une Trilogie de la vie donnant la
parole au peuple païen et paillard. Lancelot
du lac de Robert
Bresson (1974) et Perceval
le Gallois d’Eric
Rohmer (1978) éclairent le cycle arthurien. Les années
1970 sont le Moyen Âge critique, parodique et polémique.
L’armée
Brancaleone et
Brancaleone s’en
va-t-aux croisades
(1966, 1970) de Mario Monicelli montrent un Moyen Âge barbare
peuplé d’analphabètes et Monty
Python, Sacré Graal
de Terry Jones et Terry Gilliam (1975) désacralise à
coups de non-sense
le mythe arthurien.
Le seigneur de la
guerre de F. J.
Schaffner (1965) s'attaque à la féodalité
(impérialisme) balayée par la loi du désir et
Kingdom of Heaven de
Ridley Scott (2005) est un film sur les Croisades tourné dans
le contexte de la montée du terrorisme. Films d’historiens
et films archéologiques, Le
moine et la sorcière de
Suzanne Schiffman (1987) est une approche esthétique et
féministe de la sorcière et La
passion Béatrice
de Bertrand Tavernier (1987) la vie de château devenue un
enfer. Le Moyen Âge est aussi fantasmé : Quasimodo
de William Dieterle (1939) incarne la lâcheté des
démocraties occidentales devant les minorités
persécutées,
La couronne de fer
d’Alessandro Blasetti (1941) le régime fasciste,
Excalibur
de John Boorman (1982) les doutes d’un empire américain
menacé, Le
nom de la rose de
J.-J. Annaud (1986) est un thriller médiéval à
l’Agatha Christie et Conan Doyle. La modernité médiévale
ou étrangeté frontale oublie les représentations
naïves pour une reconstitution historique dans Le
roi pêcheur
de Terry Gilliam (1991). La conclusion appartient à l’auteur
: quels que soient les Moyens Âges au cinéma et leurs
versions, « ce sont
autant de visions du Moyen Âge dans lesquelles il reste quelque
chose à prendre et qu’une vision informée permet
de vérifier
». Le livre comporte 42 photogrammes commentés et un
index filmique mais curieusement aucune bibliographie finale. Cette
Belle Promenade avec
l’amour et la mort
des films (à voir) sur le Moyen Âge invite à
lire, du même auteur, L’imaginaire
médiéval dans le cinéma occidental
(2004, 1280 p.) chez Honoré Champion à 199 € mais
dans toutes les bonnes bibliothèques et cinémathèques
!
Albert
Montagne
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